Un an après la Bar Mitsva de Barou’h, sa mère tomba sérieusement malade, elle avait une forte fièvre et, quelques mois plus tard, elle mourut. Peu après, Chnéour-Zalman tomba malade lui aussi et six mois après, il mourut à son tour. Barou’h était maintenant doublement orphelin.
La mort de ses parents eut sur lui un effet déchirant. La peine et le chagrin du garçon de quatorze ans le brisèrent littéralement. Que ce fût parce qu’il leur avait été uni par l’affection, spécialement avec son père, ou simplement qu’il se sentît soudain seul, il marchait dans un monde de désolation. Pendant la période de deuil, Barou’h étant le seul fils laissé pour dire le kaddich, allait au Beth Hamidrache et lisait les prières. Il apprenait aussi des Michnayoth pour l’âme de ses parents défunts. Avec tout cela, cependant, il ne pouvait calmer son grand chagrin. Il était évident pour tous que le jeune Barou’h était en train de perdre sa santé et on voyait l’effet de la douleur sur son esprit.
À Vitebsk, Barou’h avait une tante, Frieda, dont le mari se nommait Kaddiche. Ils prirent Barou’h et sa sœur Déborah-Léah chez eux et mirent tous leurs soins à les entourer de bonté et d’affection. Déborah-Léah fut plus ou moins consolée, mais Barou’h ne pouvait trouver de repos pour son esprit, même chez ses affectueux parents.
Un jour Barou’h informa son oncle, sa tante et sa sœur qu’il avait décidé de quitter Vitebsk. « J’irai en quelque endroit où l’on étudie la Torah », dit-il. « Où iras-tu ? Tu es trop jeune pour voyager », essayèrent-ils de lui démontrer. « Tu ferais mieux de rester avec nous. Tu ne manqueras de rien. »
Quoi qu’il en soit, leurs paroles ne servirent de rien. Le jeune Barou’h avait déjà décidé de ce qu’il avait l’intention de faire, et ne laisserait à personne la possibilité de le faire revenir sur sa décision. Quelques jours passèrent et Barou’h quitta Vitebsk sans laisser de trace derrière lui.
Pendant ce temps, les tragiques nouvelles de la mort de Chnéour-Zalman et sa femme parvinrent à Rabbi Moshé qui, nous le savons, s’était installé à Minsk où il continuait ses affaires avec grand profit. Il envoya immédiatement un messager spécial à Vitebsk afin qu’il en ramène ses deux petits-enfants orphelins ; ils vivraient chez lui et auraient absolument tout ce qu’ils pouvaient souhaiter.
Quand ce messager arriva à Vitebsk, Barou’h avait déjà quitté la ville et nul ne savait quelle direction il avait prise. Le messager ne put emmener Déborah-Léha non plus, car son oncle et sa tante n’avaient pas d’enfants et ils ne voulurent pas la laisser partir. Ainsi, elle resta chez eux jusqu’à son mariage.
Pendant ce temps, Barou’h allait de par les villes et bourgades autour de Vitebsk et ne pouvait trouver de lieu où se reposer. Il erra ainsi pendant trois ans. Il passa quelques temps à Dobromysl, Kalisk, et autres bourgades. En quelque endroit qu’il allât il s’installait dans le Beth Hamidrache pour étudier, mais refusait énergiquement d’accepter une aide quelconque, tant publique que privée. Comme c’était alors la coutume, quiconque étudiait dans le Beth Hamidrache était invité à prendre ses repas, pour une journée, dans la maison de l’un ou l’autre des Juifs résidant en cet endroit, et si l’étudiant ne voulait pas passer la nuit dans le Bath-Hamidrache, on lui trouvait une chambre chez des particuliers.
Cependant, Barou’h dédaignait ces arrangements. Mais alors comment pouvait-il vivre ? Il résolvait le problème en se faisant bûcheron ou porteur d’eau, ou encore il aidait les marchands forains les jours de marché. Barou’h n’avait pas honte de faire n’importe quel travail honnête, rien n’était au-dessous de lui, ni trop dur. Il suivait le précepte des Sages : « Mieux vaut dépouiller une carcasse sur la place du marché qu’accepter l’aumône. »
Mais beaucoup de gens ne pouvaient comprendre Barou’h, et peu se donnaient la peine de découvrir les motifs du jeune garçon. Beaucoup le considéraient comme un original et le chassaient de leur pensée en haussant les épaules tandis que d’autres ne faisaient même pas attention à lui et ne le remarquaient absolument pas. Barou’h ne s’en préoccupait pas le moins du monde. Que les gens pensent de lui ce qu’ils voulaient ou rien du tout, du moment qu’ils le laissaient libre de vivre à sa guise !
Et ainsi personne ne le dérangeait en aucune façon où qu’il aille, et ainsi il partait vers une autre bourgade où il vivait selon sa façon de vivre à lui, étudiant nuit et jour dans le Beth Hamidrache et gagnant modestement sa vie par les tâches les plus rudes qu’il pouvait obtenir, du moment qu’elles lui permettaient de subvenir à ses humbles besoins.
Commencez une discussion