Nos annales commencent avec le Gaon Rabbi Moshé qui habitait Posen, alors une sorte d’État indépendant. Rabbi Moshé était connu pour son savoir aussi bien que pour sa richesse. L’un de ses fils se nommait Chnéour-Zalman (c’est son nom qui fut plus tard donné à l’auteur du « Tanya »). Chnéour-Zalman était entièrement différent des autres fils de Rabbi Moshé. Il fut chétif et maladif dès sa naissance, ce qui ne l’empêcha pas d’étudier la Torah nuit et jour. Il aimait beaucoup la solitude. Tandis que ses autres frères s’exerçaient au commerce, il se consacrait uniquement à l’étude de la Torah. Quand il eut vingt ans, il épousa la fille d’un certain Barou’h, surnommé « le Batlane », probablement parce qu’il menait une vie très retirée de ce monde.

Ce Barou’h était très vraisemblablement pauvre et Rabbi Moshé dut consentir à ce mariage à cause seulement de ses belles qualités morales. Pendant les six ans qui suivirent leur mariage, Chnéour-Zalman et sa femme vécurent dans la maison de son père, au lieu de vivre aux dépens de son beau-père (comme c’était la coutume à cette époque). Il semble que Rabbi Moshé et les frères de Chnéour-Zalman aient souhaité le voir entrer dans les affaires comme eux, mais il refusa et préféra gagner chichement sa vie en enseignant. À partir de ce moment-là, il repoussa toute aide de son père ou de ses frères.

Sa famille aurait pu demeurer paisiblement à Posen si le mouvement de la « Haskalah » n’avait surgi. C’était un véritable danger pour la foi juive. Rabbi Moshé et quelques autres habitants juifs commencèrent à craindre de ne plus pouvoir continuer à servir D.ieu et à étudier la Torah comme auparavant, et ils décidèrent de s’expatrier, espérant atteindre la Russie blanche où se trouvaient de grands centres juifs.

Ils errèrent ainsi de ville en ville jusqu’à ce qu’ils arrivent en Russie blanche. Rabbi Moshé et l’un de ses fils s’installèrent à Minsk. Deux autres fils, Judah et Mardochée, s’établirent à Orcha dans le district de Moghilev ; Chnéour-Zalman, sa femme et leur fille Déborah-Léah, accompagnèrent les familles de Posen qui l’employaient comme professeur. Ils s’installèrent tous à Vitebsk et Chnéour-Zalman continua à enseigner. Trois ans plus tard, la femme de Chnéour-Zalman donna le jour à un fils et ils le nommèrent Barou’h comme son grand-père « Barou’h Batlane », qui était mort à Posen avant leur départ.

Le petit Barou’h était un enfant vigoureux et il se développait bien, physiquement et moralement. Chnéour-Zalman habitait l’une des rues pauvres et étroites qui se trouvaient dans les faubourgs de Vitebsk, non loin de la rivière Dvina. Au-delà s’étendaient des jardins, des champs, des prairies et des vergers. La pauvreté était par conséquent moins sensible dans cette partie de la ville où l’on était si près de la nature. Chnéour-Zalman avait toujours aimé la nature. Il voulait toujours être près de la création de D.ieu et il inculqua ce sentiment à son fils Barou’h dès sa naissance.

La majestueuse Dvina et les magnifiques jardins, les champs, les prairies et les vergers, furent profondément gravés dans l’esprit du petit Barou’h dès son enfance. Cependant, cela ne l’empêchait pas d’étudier la Torah. Car, alors qu’il n’avait encore que quatre ans, son père l’emporta, enveloppé dans un tallith, chez un melamed-dardeki,1 alors qu’il était lui-même, professeur d’une classe plus avancée. Barou’h avait besoin de suivre un cours préparatoire avant de devenir l’élève de son père. Barou’h montra bientôt un grand attrait pour l’étude. Il étudiait depuis un an à peine qu’il savait déjà parfaitement une grande partie du ‘Houmache.2

Très vite, Chnéour-Zalman le remit entre les mains d’un autre maître, qui enseigna le Talmud au petit Barou’h. Quand Barou’h eut sept ans, Chnéour-Zalman le prit dans sa propre classe et le plaça avec ses autres élèves. Pendant trois ans il étudia avec son père et montra des dispositions remarquables. Il rattrapa et dépassa rapidement ses compagnons qui étaient tous beaucoup plus âgés que lui. Outre le fait que Chnéour-Zalman instruisait son fils, il passait beaucoup de temps avec lui, en tête à tête. Il emmenait son petit Barou’h faire de longues promenades sur les bords de la Dvina. Ils marchaient à travers champs et prairies et Chnéour-Zalman lui parlait tout le temps de la Torah, et lui contait toutes les merveilles de la création de D.ieu.

Ces promenades en plein air, avec le splendide monde de D.ieu sous les yeux, éveilla dans le cœur de Barou’h un grand amour de la nature et le désir d’être seul avec la nature, loin du monde.

Ainsi, dès sa prime jeunesse, Barou’h se montra enclin à la solitude. Quand il devint Bar Mitsva, il était déjà parfaitement familier avec plusieurs Sedarim de Michnayoth3 et connaissait par cœur plusieurs traités de Guémara.4 Barou’h pouvait maintenant étudier tout seul sans l’aide d’un maître. Son père le lui permit, lui indiquant seulement ce qu’il devait apprendre et comment il devait organiser ses études.

Maintenant qu’il n’était pas lié à un maître ou une école, Barou’h prenait sa Guémara et d’autres livres recommandés par son père et s’en allait sur les rives du fleuve et là, assis sur une pierre ou étendu dans l’herbe tendre, il se livrait sérieusement à l’étude.

Loin d’être une source de distractions, la beauté de la nature l’encourageait dans ses études. Le clapotis de l’eau, le chant des oiseaux et le bourdonnement des abeilles formaient un chœur naturel qui s’harmonisait avec son propre chant dont il accompagnait son étude.