L’action des partisans secrets du Baal Chem Tov s’étendait très loin et était menée selon un haut degré de discipline. Ainsi, quand le temps vint pour le Baal Chem Tov de se révéler, beaucoup de villes et de bourgades étaient déjà des centres bien établis du ‘Hassidisme. Les partisans du Baal Chem Tov étaient aux postes qu’ils s’étaient vu assigner chacun avec une tâche déterminée et tous servant le même but précis : l’élévation des masses juives. Pendant une période de 25 ans, les enseignements du Baal Chem Tov furent ainsi répandus à partir de la Podolie sur l’Ukraine et la Pologne et furent portés aussi loin que la Lituanie et la Russie blanche dans le Nord. Cependant, la Lituanie était la « forteresse » la plus difficile à conquérir. Non seulement c’était le centre de la sagesse juive, mais aussi le siège de l’opposition au ‘Hassidisme.

L’opposition venait de deux directions. Des « Mitnagdim »1 qui, même avant l’époque de la révélation du Baal Chem Tov, élevèrent une tempête de protestations contre ce nouveau mode de vie, et des « Frankistes »2 avec lesquels le Baal Chem Tov et ses partisans eurent de nombreuses discussions publiques dont ils sortirent toujours vainqueurs. Après la mort du Baal Chem Tov, ses adversaires s’attendaient à ce que le mouvement ‘hassidique s’effondre puisqu’il n’y aurait personne pour reprendre le gouvernail.

Les ennemis du ‘Hassidisme ne s’imaginaient pas que le Baal Chem Tov avait édifié une forte organisation, une armée de travailleurs bien disciplinés qui devaient continuer et aller de l’avant.

Rabbi Tsvi, fils unique du Baal Chem Tov avait été nommé chef du monde ‘hassidique. Cependant, il n’était pas assez fort pour continuer sa tâche qui demandait des pouvoirs exceptionnels à l’intérieur du mouvement pour ses propres partisans et, au-dehors, pour l’adversaire, qui commençait déjà à relever la tête.

À Chavouot 5521 (1761), le premier anniversaire de la mort du Baal Chem Tov fut célébré. Rabbi Tsvi avait juste terminé son commentaire de la Torah, assis au haut bout de la table. Soudain, il se leva avec ces mots :

Aujourd’hui mon père m’est apparu, et m’a commandé de transférer la direction, en présence de toute la sainte assemblée, à Rabbi Bérényou.3 « Que Rabbi Bérényou prenne ta place au haut de la table et toi, mon fils, prends la sienne », a dit mon père.

Rabbi Tsvi se dépouilla alors de son manteau et le tendit à Rabbi Dov Ber, le félicitant d’un cordial « Mazal Tov ». Ils échangèrent leurs vêtements et leurs places et Rabbi Dov Ber devint ainsi le chef du ‘Hassidisme. Sous sa direction, le mouvement ‘hassidique commença à s’étendre et à croître de nouveau. Plus tard, alors que Rabbi Ber était déjà à Mézeritch, poursuivant là sa tâche sacrée, attirant de nouveaux disciples, les meilleures et les plus belles forces spirituelles de cette époque, Rabbi Chnéour Zalman fut aussi attiré et devint son disciple.

C’est à Rabbi Chnéour Zalman, connu par ses partisans sous le nom de « Vieux Rabbi »,4 qu’échut le devoir de conquérir la plus redoutable forteresse de l’opposition, la Lituanie.

Pour la Lituanie, il fallut constituer une « variante » intellectuelle spéciale de ‘Hassidisme, le ‘Hassidisme ‘Habad, afin de pouvoir s’y implanter. Cette sorte particulière de ‘Hassidisme, basée sur la sagesse, la compréhension, le savoir, fut fondée par le « Vieux Rabbi » cinq ans seulement après la mort du Baal Chem Tov et quatre ans après que Rabbi Ber, le Maguid de Mézeritch, eût pris la succession du Baal Chem Tov.

Comme on l’a dit plus haut, Rabbi Chnéour Zalman était lié à Loubavitch où il avait étudié dans sa jeunesse avec Rabbi Issakhar-Dov, et par conséquent, bien que le « Vieux Rabbi » ait demeuré auparavant à Liozna et plus tard à Lyadi, on peut dire de Loubavitch qu’elle fut le vrai berceau du ‘Hassidisme ‘Habad. Au cours de la génération suivante, cependant, quand le « Mittéler Rebbé »5 s’installa à Loubavitch, cette ville devint le véritable siège des chefs de ‘Habad. L’auteur du « Tséma’h Tsédek »6 (qui succéda au « Mittéler Rebbé » et qui habita également à Loubavitch) nommait Loubavitch le « canal » à travers lequel s’écoulaient l’amour et l’amitié ‘hassidiques.

« On doit être clément envers soi-même et envers les autres et s’aider les uns les autres, prêchait le Tséma’h Tsédek. On doit chercher à s’améliorer et servir la communauté selon les préceptes ‘hassidiques. » Rien de surprenant à ce que ‘Habad et Loubavitch deviennent des mots presque synonymes. L’un influait sur l’autre.

Avec cette introduction nous arrivons à l’histoire de ‘Habad qui commence avec l’histoire des saints personnages qui le formèrent à sa naissance, telle qu’elle a été relatée par la tradition de la Maison de Loubavitch, et telle que nous la rapportent nos archives.