Certains faits sont considérés pour acquis. Pourtant, pour peu que l’on réfléchisse sur des concepts communément acceptés, on voit apparaître de sérieuses questions sur la logique qui les sous-tend. Par exemple : ‘Hanoucca dure huit jours parce que l’huile qui aurait normalement suffi à alimenter la menorah pour une seule journée en dura miraculeusement huit. Tous les Juifs savent cela depuis leurs premières années à l’école juive ou au Talmud Torah. Mais cela est-il logique ? S’il y avait suffisamment d’huile pour un jour, le miracle n’a alors duré que sept jours. Pourquoi, dans ce cas, célébrer le premier jour, si rien de miraculeux ne s’est produit alors ?

Cette question a longtemps préoccupé les savants juifs, et de très nombreuses réponses ont été proposées. La plupart de celles-ci démontrent qu’il y eut effectivement une sorte de miracle le premier jour de ‘Hanoucca également. Mais peut-être, cependant, n’est-il pas nécessaire d’établir l’existence d’un miracle le premier jour de ‘Hanoucca pour justifier son inclusion dans la fête. Peut-être célébrons-nous l’huile en elle-même, qui, très naturellement, a alimenté la menorah ce jour-là.

Un épisode intéressant raconté dans le Talmud1 « éclaire » cette question :

Le sage de la Michna Rabbi ‘Hanina ben Dossa était un célèbre faiseur de miracles. Peu après le coucher du soleil, un vendredi soir, il remarqua que sa fille sanglotait. Lorsqu’il lui demanda la raison de sa détresse, elle expliqua qu’elle avait par erreur allumé les bougies de Chabbat avec du vinaigre à la place de l’huile. Rabbi ‘Hanina consola sa fille : « Ne sois pas troublée, ma chérie. Celui qui a commandé à l’huile de brûler commandera au vinaigre de brûler... » Inutile de dire que les bougies ne s’éteignirent pas. En fait, elles brûlèrent jusqu’à la nuit suivante, jusqu’à ce que la bougie de havdalah (qui accompagne la cérémonie du samedi soir marquant la fin du Chabbat) fut allumée à partir de leurs flammes !

Aux yeux de ce saint sage, la combustion du vinaigre n’était pas plus spectaculaire que celle de l’huile

Cette histoire a ceci de saisissant et d’unique que Rabbi ‘Hanina n’a pas répondu en disant : « Tu veux voir quelque chose d’extraordinaire ? Regarde donc ce miracle ! » Au contraire, aux yeux de ce saint sage, la combustion du vinaigre n’était pas plus spectaculaire que celle de l’huile. La seule différence entre les deux était leur fréquence. Si la définition d’un « miracle » est d’être une intervention divine dans les affaires de l’individu ou de la collectivité, alors tout phénomène est miraculeux, car tout ce qui se produit est le résultat direct d’un ordre divin. « Le Gardien d’Israël ne sommeille ni ne dort jamais », mais Son œil vigilant peut s’exprimer – et s’exprime généralement – par des moyens naturels. La nature est simplement le rideau qui cache la grande Marionnettiste à notre vue.

Néanmoins, nous aimons les miracles, et les fêtes sont instituées pour commémorer les plus importants d’entre eux. Nous chérissons ces précieux moments dans l’histoire où D.ieu a choisi d’employer des moyens surnaturels pour venir à notre secours, quand le rideau s’est déchiré, laissant apercevoir le marionnettiste. Rabbi ‘Hanina avait la capacité de voir à travers le rideau tous les jours, mais pas nous. Pour nous, du vinaigre qui brûle est un spectacle remarquable.

Lorsque le rideau a été temporairement levé, la conscience qu’il y a un marionnettiste ne s’évanouit pas, même après que le rideau soit retombé. Après avoir vu le vinaigre brûler, nous nous rendons compte que la capacité de l’huile à brûler est également le fait de la volonté divine.

Les sept jours miraculeux lors desquels la menorah demeura allumée nous permettent de comprendre que le premier jour n’était pas moins « miraculeux ».