« Faites-les entrer », ordonna Pharaon.
Une vieille femme entra, menant par la main un petit enfant.
« Quel est ton nom ? », demanda Pharaon à la vieille femme.
« Yo'heved. Mes frères hébreux m'appellent aussi Chifrah. »
« Et cette enfant est ta petite-fille ? »
« Non, Majesté. C'est ma fille Miriam, elle a cinq ans. »
Le roi les fixa sévèrement pendant un long moment. Puis il reprit
« Tu es une femme pleine de sagesse, Yo'heved, et tu jouis de l'estime de tes frères. J'ai un travail pour toi. Il ne te paraîtra pas très agréable, mais tu pourras te rendre utile à tes frères hébreux, et surtout à ton roi. Si tu accomplis bien ton devoir, tu seras bien récompensée. »
« Je suis toujours prête à rendre service à mes pauvres frères asservis », répondit Yo'heved avec dignité.
« Ta tâche sera de livrer aux officiers du roi tous les bébés garçons hébreux, pour qu'ils soient mis à mort », dit Pharaon, insistant doucement sur chaque mot.
Yo'heved blêmit, chancela, saisie d'épouvante.
Soudain la petite Miriam s'avança. Levant son petit menton, elle fit au roi une affreuse grimace. Agitant son doigt minuscule au nez de Pharaon, elle s'écria:
« Méchant roi ! Attends que notre puissant D.ieu vienne te châtier ! Je te hais ! »
Un instant Pharaon demeura abasourdi sur son trône. L'éclat de la petite fille l'avait pris au dépourvu. Puis il frappa des mains, et aussitôt un garde la saisit.
Yo'heved se jeta aux pieds du roi:
« Grâce, O Majesté ! Ce n'est qu'une enfant... elle ne sait pas ce qu'elle dit... Pardonne-lui... Certes, un puissant roi ne saurait prendre offense des paroles d'une enfant... »
Le roi hésita un instant, puis fit signe de lâcher l'enfant. Miriam se tint à côté de sa mère.
« Eh bien ! cria impatiemment Pharaon à Yo'heved, es-tu d'accord, ou dois-je laisser mes officiers faire le travail eux-mêmes ? Ils ne mettront pas de gants. Toute résistance sera réprimée sans pitié... Avec toi cela serait beaucoup moins cruel... »
Yo'heved se tenait là, écrasée, anéantie. Elle finit par murmurer faiblement:
« Je verrai ce qu'il est en mon pouvoir de faire, Majesté... »
Comme elles passaient sous escorte à travers les bêtes féroces et les guerriers armés, préposés à la garde du palais, Miriam dit:
« Mère ! Nous n'allons pas laisser tuer des petits bébés ? »
« Chut ! », murmura Yo'heved anxieuse.
Mais, dès qu'elles furent seules, Yo'heved rassura sa fille :
« Bien sûr que nous n'allons pas les laisser faire pareille chose. Nous allons avertir toutes les mères de cacher leurs bébés et de les sauver... »
Ainsi, pendant quelque temps, Miriam et Yo'heved visitèrent les campements juifs, pour prévenir les mères qu'elles devaient cacher leurs bébés-garçons. Cependant, Pharaon ne tarda pas à rappeler la mère et la fille :
« Vous n'avez pas livré un seul bébé », rugit-il « je vous ferai jeter aux lions ! »
« Majesté ! », répondit Yo'heved avec sang-froid, « il n'y a plus de bébés dans les foyers de mes frères ; on ne célèbre aucun mariage, il ne naît plus d'enfants. S'il arrive qu'un enfant naisse, il se passe des soins maternels, et s'enfuit aussitôt dans les champs, comme un petit animal... lorsque nous arrivons, il n'est déjà plus dans la maison... »
Pharaon jeta un regard interrogateur à ses conseillers.
« Qu'en pensez-vous mes sages ? Y a-t-il quoi que ce soit de vrai dans les paroles de cette femme ? et si oui, que faut-il faire ? »
« C'est la vérité, Majesté », répondit l'un d'eux. « Je pense qu'il serait plus sage d'adoucir les lois sévères contre les Hébreux, car plus on les opprime, plus ils deviennent résistants...
« Tu es trop timoré, Yithro », dit le roi mécontent. « Et toi, Job, que dis-tu ? »
« Le D.ieu puissant ne m'a pas révélé Ses desseins », dit Job.
« Cela fait déjà assez longtemps que tu as perdu la faveur des dieux », grommela Pharaon. « A quoi peux-tu me servir maintenant ? Mais voyons un peu ce qu'a à nous proposer le très sage Bilaam ? »
Bilaam s'éclaircit la voix et, après une courte pause, dit sur un ton triomphant
« Ce que dit cette femme peut certes être exact. Mais il n'en est pas moins vrai que certaines mères ont dû dissimuler leurs enfants, plutôt que de les laisser s'enfuir dans les champs. Je conseillerais donc au roi de déléguer quelques officiers portant des petits bébés égyptiens dans leurs bras. A l'approche des maisons juives, il leur faudra pincer les bébés pour les faire crier le plus fort possible. Il est dans la nature des bébés de joindre leurs pleurs à ceux des autres bébés. De la sorte, les cachettes des bébés hébreux seront découvertes ! »
« Tu as sagement parlé », s'exclama Pharaon avec chaleur, « tu seras largement récompensé car, à n'en point douter ta science relève des dieux ! »
Le conseil de Bilaam fit bon office, et nombre de bébés juifs furent découverts ce même jour. Pharaon ravi convoqua sur-le-champ ses conseillers et leur demanda comment il fallait tuer les bébés. Job ne dit mot. Yithro tenta de faire renoncer le roi à ce cruel projet. C'est alors que Bilaam proposa de jeter les enfants dans le Nil. Il pensait que D.ieu qui avait juré de ne jamais plus provoquer un déluge, ne pourrait punir les Égyptiens en les noyant à son tour.
Au moment même où l'on précipitait les bébés juifs dans le fleuve, D.ieu dit à ses anges : « Hâtez-vous vers la terre et sauvez Mes chers enfants, les Fils d'Abraham, d'Isaac et de Jacob ».
Les anges descendirent en hâte et se tinrent dans l'eau, pour saisir tous les bébés-garçons qui y avaient été jetés. Ils les emmenèrent dans les champs et les posèrent sur les rochers. Puis D.ieu fendit les rochers, et des flots de lait chaud s'écoulèrent des failles pour nourrir les bébés. Quand les Égyptiens venaient à la recherche des bébés, les rochers s'entrouvraient et dissimulaient les enfants dans les cavernes, jusqu'à ce que les Égyptiens fussent passés. Par la suite, Miriam et Yo'heved se rendaient dans les champs en apportant encore de la nourriture et des vêtements. Elles jouaient avec les bébés, leur donnaient à, manger en leur racontant qu'ils étaient des enfants juifs et que D.ieu les avait protégés tout ce temps. Quand enfin D.ieu conduisit les Enfants d'Israël à travers la Mer Rouge, se révélant dans toute Sa puissance et Sa gloire, les petits enfants furent les premiers à reconnaître D.ieu et proclamèrent : « Voici mon D.ieu, c'est à moi de Le glorifier ! »
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