N’est-ce pas un monde prodigieux ? Par les temps qui courent, chaque jour, ou presque, s’ouvre sur des visions apocalyptiques de monnaies chancelantes, d’économies trébuchantes, de dettes florissantes et de budgets vacillants. Jour après jour, c’est comme un murmure incessant qui monte : le pire est à venir et l’avenir incertain. Et la souffrance des peuples de grandir avec la tension des nations. Tout se passe comme si le monde avait perdu son rythme si rassurant, celui d’une longue marche, parfois saccadée, mais fondamentalement régulière, vers une situation meilleure, plus de bonheur et plus d’espoir. Tout se passe comme si cette belle et ancienne mécanique s’était, en quelque sorte, grippée, comme si l’existence n’avait plus contact avec son centre. C’est sans doute en de telles périodes que les questions émergent, car n’est-ce pas quand la réalité remet en cause la stabilité des choses que, toutes certitudes affaiblies, on se prend à porter un autre regard sur ce qui nous entoure ?

Certes, l’homme est un être toujours porté vers une aspiration nouvelle. Quoi qu’il possède déjà, il souhaite davantage et c’est là le ressort même du progrès. Cette attitude nécessaire présente évidemment un danger : le risque existe de voir l’homme mal définir son but. Ou plutôt, il peut prendre comme point de référence un élément qui ne le conduira pas à une réussite pleine, mais seulement à une fuite en avant. Ainsi, si le seul critère retenu est le plus aisément quantifiable, la réussite matérielle mesurable en termes financiers, il est à craindre que, ignorant la globalité de la vie, il ne comprendra le bonheur qu’en termes si réducteurs que le moindre souffle pourra le faire chanceler. Peut-être alors les difficultés permettent-elles de se découvrir une nouvelle conscience.

Il faut se garder d’oublier que D.ieu créa le monde pour que l’homme y réalise Sa demeure, le lieu où Il se révèlera dans son Essence. Cela signifie que la matérialité même a un sens. Elle porte en elle le projet divin qu’il nous appartient de révéler. C’est dire qu’elle n’est pas intrinsèquement négative, qu’elle peut être utilisée pour le meilleur d’elle-même. Si l’on sait remettre le centre des choses à sa place, si l’on sait retrouver la notion première du bonheur, alors le matériel ne contredit pas ce qui le dépasse. C’est justement là l’enjeu : face au déferlement du monde, il revient à chacun de choisir la vie. Et c’est un choix qui, fait jour après jour, conduit, ici-bas, à l’éternité.