L’homme est décidément bien fragile. Il arrive parfois qu’il l’oublie ; il croit alors qu’il a, seul, la capacité de bouleverser le cours des choses, de changer le sens de l’histoire et, sans doute, de faire prendre à sa propre vie un autre tournant. Puis, brutalement, les plans subtils, les projets ambitieux s’évanouissent, remis en cause par cette donnée incontournable : les limites de la condition humaine.

Certes, l’homme a pourtant des pouvoirs immenses. Après l’avoir créé, D.ieu ne lui confia-t-il pas la charge exclusive de gouverner ce monde ? Plus encore, ne le fit-il pas apparaître sur terre comme un être unique, à la différence des autres créatures qui y apparurent par espèces ? C’est dire qu’Il lui conféra un rôle et une qualité qui ne se retrouvent dans aucun autre élément de la création. C’est donc à bon escient que l’homme décide librement de sa vie et des orientations qu’il entend lui donner. Du reste, les avancées de l’histoire, comme son action incessante, lui ont apporté la capacité d’avoir une réelle influence sur tout ce qui l’entoure, de devenir, d’une certaine façon, maître de son propre destin. Dans de telles conditions, il n’est pas vraiment surprenant qu’il en vienne parfois à oublier sa fragilité constitutive.

C’est alors qu’arrivent ces événements abrupts qui sont souvent le tissu de la vie, qui bouleversent l’existence de l’homme, ces drames personnels qui, parce qu’ils touchent l’être humain, couronnement de la création, touchent aussi le domaine sur lequel il règne. Tout prend alors un sens nouveau. L’avenir qui semblait tout tracé devient, tout à coup, comme incertain. Les chemins qui s’étendaient droit au devant de soi donnent une impression dérangeante, comme si la vision renonçait délibérément à servir le projet de l’homme et choisissait l’imprécision. Les certitudes acquises cèdent le pas. Voici revenu le temps de sentiments à la fois anciens et nouveaux. L’homme se retourne vers son Créateur et implore. Prenant conscience de sa petitesse au-delà des faux semblants, il demande la guérison des êtres qui lui sont chers, la réussite de ses entreprises et la justesse de ses décisions. C’est d’une véritable modestie retrouvée qu’il s’agit et peut-être est-ce là que se trouve le plus grand espoir. Car l’homme n’est jamais si grand que lorsqu’il se souvient que son plus haut titre de noblesse est d’être la créature choisie par D.ieu pour conduire Son monde. Il n’est jamais si grand que lorsqu’il retrouve sa pleine place et, conscient de son rôle, lui donne son plein sens.