La mitsva d'allumer les lumières de 'Hanouka commence avant le coucher du soleil... Elles doivent être placées à l'entrée de notre maison. Si on habite à l'étage, on devra les placer près d'une fenêtre qui donne sur la rue.

Talmud, Chabbat 21b

La nuit tombe tôt en hiver, plongeant les rues dans l'obscurité et le froid. Un après l'autre les foyers s'illuminent. Au cœur de cet éblouissement électrique, une lueur chatoyante et pure se répand doucement. C'est la dernière semaine de Kislev et depuis les portes et les fenêtres des foyers juifs on peut apercevoir le scintillement des lumières de 'Hanouka.

« Car la mitsva est une bougie et la Torah lumière. » (Proverbes 6, 23) L'essence de notre mission sur terre consiste à répandre la lumière : chaque fois que l'on accomplit une mitsva, c'est comme si on allumait une bougie, irradiant sagesse et harmonie dans un monde obscurci par l'ignorance et la violence.

Il existe deux mitsvot dont la finalité essentielle implique l'irradiation de la lumière : le candélabre à sept branches que le Grand Prêtre allumait chaque après-midi dans le Temple de Jérusalem et les bougies de 'Hanouka que l'on allume à la tombée de la nuit pendant les huit jours de la fête de 'Hanouka. En réalité, les bougies de 'Hanouka ont pour origine les lampions du candélabre. En effet, nos Sages ont institué la fête de 'Hanouka en commémoration du miracle survenu dans le Temple lorsqu'il fallut, après la victoire miraculeuse des Maccabées sur les Gréco-Syriens, rallumer le candélabre.

La ménorah du Temple faisait 1m80 de hauteur, avait sept branches en or massif sur lesquels brûlaient sept lampes. Ces sept flammes, alimentées par de l'huile d'olive préparée dans des conditions de pureté extrême, représentaient l'expression physique de la lumière spirituelle qui émanait du saint Temple. Le Temple sacré de Jérusalem symbolisait l'épicentre de la Présence Divine au sein de l'homme pour illuminer ensuite le monde entier. Dans leur volonté de supplanter la spiritualité d'Israël par le paganisme helléniste, les Grecs envahirent le Temple, le souillèrent avec leurs idoles et leurs rites décadents et touchèrent de leurs mains impures l'huile pure réservée à l'allumage du candélabre. Seule une famille résista à cette obscurité. Matityahou et ses fils rallièrent un petit groupe de combattants et réussirent à chasser l'ennemi. La suite est connue de tous. Cette victoire militaire fut suivie par une victoire spirituelle : le miracle de la fiole d'huile. Voici 2100 hivers passés depuis et d'année en année, un œil penché sur les bougies de 'Hanouka, nous nous souvenons du triomphe de la lumière sur l'obscurité.

La ménorah du Temple et celle de 'Hanouka

Il existe cependant plusieurs différences entre la ménorah de 'Hanouka et celle du Temple

  1. Le candélabre du Temple était allumé uniquement pendant le jour (pas plus tard qu'une heure et quart avant le coucher du soleil) et brûlait toute la nuit. Les bougies de 'Hanouka sont allumées dès la tombée de la nuit (juste après le coucher du soleil selon certaines communautés ou après la sortie de trois étoiles selon d'autres).
     
  2. Le candélabre du Temple était situé dans l'enceinte du Temple appelé le Heikhal alors que la ménorah de ‘Hanouka est placée à la porte ou près d'une fenêtre donnant sur la rue.
     
  3. Le candélabre comportait sept lampes allumées quotidiennement alors que la ménorah de ‘Hanouka en comporte huit que l'on allume progressivement, ajoutant chaque jour une bougie supplémentaire jusqu'à la huitième.

Comment expliquer ces différences ?

Selon la Torah, il existe un principe de base selon lequel toute institution rabbinique est fondée sur la Torah écrite. Dans ce cas, si les lumières du candélabre du Temple sont à l'origine des bougies de 'Hanouka, pourquoi nos Sages ont-ils institué autant de différences entre les deux allumages ?

Lumière et obscurité

D.ieu vit que la lumière était bonne et II sépara la lumière de l'obscurité. Et D.ieu appela la lumière « jour » et l'obscurité « nuit ». Et ce fut le soir et ce fut le matin, un jour.

Genèse 1, 4-5.

Au commencement, obscurité et lumière formaient une seule et unique entité, symboles du bien et de la perfection à l'image de leur Créateur. Mais D.ieu voulait introduire contraste et challenge dans Son monde. Aussi effectua-t-Il une séparation entre la lumière et l’obscurité, c’est-à-dire entre le bien révélé et le bien caché, nous confiant la tâche d'illuminer le monde et de transformer la nuit en jour. À nous donc d'utiliser et d'exploiter le bien et les forces positives cachés dans la création afin d'opérer une transformation radicale des forces du mal inhérentes à la création.

Telle était la finalité de la ménorah du Temple que le Grand Prêtre allumait le jour et dont la lumière divine passait à travers les fenêtres du Temple qui, à l'inverse de fenêtres classiques, étaient conçues étroites à l'intérieur et larges à l'extérieur de telle sorte que cette lumière puisse irradier vers le monde extérieur.

Or, il est des périodes où ce mode opératoire n'est plus efficace, car l'obscurité se fait si opaque et si intense qu'elle nous envahit jusqu'à éteindre la ménorah et souiller son huile. La puissance de la lumière du jour ne suffit plus à éclairer la nuit. À ce moment-là, il faut nous tourner vers la nuit comme roue de secours et source de lumière. Nous devons partir à la recherche de cette petite fiole d'huile cachée et pure, cette réserve de lumière immaculée que D.ieu a mise de côté depuis la création du monde. Il nous faut creuser très profondément dans les nappes souterraines pour dévoiler l'essence même qui unit le jour et la nuit, la lumière et l'obscurité.

C'est à ce moment précis où tout semble irréversible qu'interviennent les bougies de 'Hanouka qui ont pour vocation de projeter la lueur du temple miniature que sont les foyers juifs jusque dans la rue obscure où les forces du mal se font dominantes. La ménorah de 'Hanouka devient alors un instrument d'une puissance extraordinaire capable de dévoiler les potentialités lumineuses qui se cachent derrière la nuit.

Aux lumières du Temple et de 'Hanouka viennent s'ajouter une troisième source de lumière : les bougies de Chabbat. Pour combattre les forces obscures agissantes dans le monde, nous avons désormais à notre disposition un programme projection de lumière en trois temps dans un cadre spatio-temporel.

1) Sur un plan spatial :

Le candélabre du Temple se tenait dans l'endroit le plus saint de la terre où la présence Divine était manifeste dans notre monde physique et matériel. Les bougies de Chabbat sont posées dans un environnement moins sacré certes, notre foyer, mais néanmoins un lieu qui embrasse à la fois tant nos activités sacrées (l'étude de la Torah, la prière et les actes de charité) que nos activités profanes. Sanctuaire de notre vie privée par excellence, le foyer juif est aussi et surtout le lieu d'harmonisation et d'osmose entre le spirituel et le matériel. Les bougies de 'Hanouka testent notre capacité à générer une énergie et une puissance de lumière illimitées. Placée près de la porte ou de la fenêtre, elles se situent à cheval entre le domaine privé et le domaine public, à la frontière même de notre foyer et de la rue.

2) Sur un plan temporel :

Le candélabre du Temple était allumé en début après-midi, les bougies de Chabbat 18 minutes avant le coucher du soleil et les bougies de 'Hanouka à la tombée de la nuit ou juste après. Cette différence correspond aussi à leur ordre d'apparition sur le plan chronologique et historique. Le candélabre du Temple vient en premier lieu lorsque dans le précurseur de ce dernier, le Tabernacle, D.ieu communiquait avec l'homme, en l'occurrence Moïse. Injonction divine donnée au mont Sinaï, la mitsva d'allumer la ménorah à sept branches est inscrite dans la Torah Écrite1. Puis vinrent les bougies de Chabbat, à une époque d'obscurité spirituelle, institution d'ordre rabbinique ayant pour finalité d'instaurer la paix dans le foyer juif en ce saint jour (les femmes juives, à commencer par Sarah et Rébecca, furent les premières à allumer les bougies de Chabbat depuis l'époque biblique).2 Datant d'une époque moins lointaine, les bougies de 'Hanouka furent instituées il y a 21 siècles en souvenir du miracle de la fiole d'huile.

Cycle et circonférence

La différence du nombre de lumières à allumer entre le candélabre et la ménorah de 'Hanouka n'est plus, dès lors, un mystère. Sept correspond au cycle de la création. D.ieu créa le monde en sept jours au moyen des Dix Attributs divins (séfirot) pour servir de modèle spirituel au monde physique. Sept constitue le chiffre dominant dans tous processus et cycles naturels. Dès lors, le mode standard, classique pour éclairer les coins les plus obscurs de la création est associé au candélabre à sept branches situé dans le Temple.

Si sept représente le cycle naturel, le huit quant à lui correspond à la circonférence (cho­mer haékef) qui transcende la nature et l'ordre naturel des choses. Si les sept lampions du candélabre incarnent la possibilité de repousser l'obscurité par la force de leur lumière, les huit bougies de 'Hanouka recèlent pour leur part une puissance encore plus forte : elles dévoilent dans l'obscurité elle-même la lumière divine qui s'y cache.