S’en sortir vivant

« Seigneur, Tu as fait remonter mon âme de la tombe ; Tu m’as fait revivre après ma descente dans la fosse. »1

Aujourd’hui, le monde entier parle d’un miracle de survivance. Le sauvetage à la mine de Copiapo au Chili nous édifie sur la remarquable aptitude de l’être humain à survivre à des conditions qui ressemblent à la mort elle-même. Toutefois, alors que le sauvetage en lui-même a marqué l’apogée de cet événement, encore plus étonnants sont les 69 jours qui lui ont précédé et le fait que les mineurs furent capables de demeurer en vie suffisamment longtemps pour être sauvés.2

Une leçon de survie

Le Baal Chem Tov3 a enseigné que de tout ce que l’on voit ou entend, il convient d’apprendre une leçon. Heureusement, les mineurs sont tous sortis sains et saufs, et cet épisode angoissant s’est conclu dans la joie. Mais que pouvons-nous retirer de ce que nous avons connu de cette histoire ?

En premier lieu, cette histoire stupéfiante nous pousse à nous poser la question suivante : quels sont les besoins vitaux d’un homme pour survivre ? De quoi un être humain a-t-il besoin pour vivre ?

L’opération de sauvetage n’a pas seulement réussi à pourvoir aux besoins physiques des mineurs en nourriture, en eau et en air. On a fait venir des experts du monde entier pour maintenir les mineurs dans la meilleure santé mentale et émotionnelle possible. Des spécialistes de la NASA qui ont suivi la crise ont déclaré que ce qui a sans doute été le facteur le plus déterminant dans la survie des mineurs fut le fait que, très tôt, un chef est apparu dans le groupe, qui a organisé les hommes.

Luis Urzua, 54 ans, le contremaître de service lors de l’éboulement de la mine, a pris les difficiles décisions relatives au rationnement de la nourriture – une cuillérée de thon pour chaque homme toutes les 48 heures – pendant les 17 premiers jours jusqu’à ce que le contact soit établi avec l’équipe de secours en surface. Dans les jours qui suivirent, Urzua continua de diriger ses hommes et, sous sa direction, divers rôles émergèrent. Un mineur devint le porte-parole du groupe, un autre se consacra à veiller à leur santé, et un autre encore fut désigné pour être l’animateur humoristique du groupe.

Lorsque nous réfléchissons à ce que sont nos besoins les plus vitaux, la plupart d’entre nous pensent seulement à des besoins corporels tels que de l’air, de l’eau et de la nourriture. Peut-être est-ce parce que, dans la mesure où cette question est pour nous seulement théorique, nous ne voyons pas l’essentiel. Quand nous considérons ces hommes qui sont sortis d’un enterrement de 69 jours dans les entrailles de la terre, il apparaît qu’il y a un besoin qui semble encore plus important pour la survie que tous les autres besoins. Le besoin d’un chef.

Travailler dans la mine

A plusieurs occasions, le Rabbi a relaté une parabole ‘hassidique de son beau-père, qui nous compare, nous les Juifs, à des mineurs de fond.4 Nos âmes descendent d’En-Haut pour accomplir une mission ici-bas, a expliqué le Rabbi. Tel le travail de la mine, nos tâches sont difficiles et les conditions sont dangereuses. Alors que nous parcourons les dédales de cette vie à la recherche des trésors qu’elle recèle, une chose est fondamentale pour notre sécurité et notre survie. Il nous faut un chef, et nous devons suivre ses instructions.

Maintenant, à la lumière de cette parabole, et à la lumière des récents événements, posons de nouveau la question millénaire : quel est le secret de la survivance du peuple juif ? Se pourrait-il que nous ayons pu surmonter d’innombrables atteintes à notre existence parce que, même lorsque notre mission collective nous a conduits dans les lieux les plus caverneux et les plus sombres de l’expérience humaine, il y a toujours eu un chef avec nous ?

Les limites d’un chef

Le Rabbi a expliqué qu’il y a un autre aspect à la parabole des mineurs. Bien que le bien-être des mineurs exige qu’ils s’en remettent aux soins et à la direction de leur contremaître, il est une chose que celui-ci ne peut pas faire pour eux. Chaque mineur doit avoir accès au conduit qui connecte la mine au monde de la surface et permet de l’approvisionner.

En termes spirituels, un chef juif peut déterminer la manière dont nous, en tant que Juifs, devrions vivre. Mais ce chef ne peut pas vivre pour nous. Chacun d’entre nous doit avoir son conduit avec le Haut sous la forme d’une connexion vivante et consciente avec D.ieu.

Vivre ou faire vivre ?

Dans le livre de Habacuc, un verset5 dit : « Le juste vivra par sa foi. » Les Écritures étant écrites sans voyelles, un même mot peut avoir plusieurs lectures. Dans ce cas, en changeant la vocalisation du verbe, le même verset peut se lire « Le juste fera vivre par sa foi. »

Le tsaddik est-il défini comme étant celui qui vit sa propre vie dans la foi, ou bien comme celui qui fait vivre les autres avec la foi ?

Lorsque l’école ‘Habad du ‘Hassidisme apparu vers la fin du 18ème siècle, l’un des éléments clés par lesquels celle-ci se distinguait des autres branches du jeune mouvement ‘hassidique était précisément la lecture que l’on choisissait d’avoir de ce verset, s’agissant de définir le rôle d’un Rabbi ‘hassidique.6

L’Admour Hazakène, fondateur de la méthode ‘Habad du « ‘Hassidisme intellectuel », soutenait que, bien qu’un Rabbi enseigne à ses disciples comment être en relation avec D.ieu, il ne peut pas « leur donner la vie », c’est-à-dire avoir une relation avec D.ieu en leur lieu et place en leur nom. Chaque âme qui descend pour mener à bien sa tâche ici-bas doit avoir sa propre connexion avec la Source. En pratique, cela signifie que chacun d’entre nous doit avoir une appréciation personnelle du divin issue de sa propre étude et de sa propre méditation.

Qu’il s’agisse de nos besoins corporels ou spirituels, nous ne pouvons pas nous en remettre à quelqu’un d’autre pour « nous donner la vie » – pas même à la personne grâce à qui nous parvenons à nous maintenir en vie. Peut-être est-ce la raison pour laquelle être juif exige un tel mélange de déférence et d’indépendance. Peut-être est-ce également pourquoi la meilleure métaphore pour expliquer notre survivance miraculeuse est l’image de ces mineurs de fond qui, quelle que soit la profondeur à laquelle ils doivent descendre, demeurent toujours connectés à leur source en haut.