Le jeudi 27 Nissan 5704 (20 avril 1944), Rabbi Lévi Its'hak arriva à Alma-Ata. La Rabbanit 'Hanna raconte :
« On lui réserva un accueil très chaleureux et, immédiatement, commencèrent à affluer des ‘hassidim, des amis, et en tout premier les frères Rabinovitch. Il serait difficile de décrire la joie profonde qui régnait alors du fait qu'ils avaient le mérite d'accueillir dans leur ville une personnalité si importante après une telle attente. Beaucoup avaient les larmes aux yeux... »
Peu de temps après, on lui loua une maison non loin de la ville. Avant Chavouot, on lui trouva une demeure fixe. À cet endroit se trouvaient des centaines de Juifs, pour la plupart ayant fui la guerre. Ainsi, tous les jours se déroulaient les prières de Cha'harit, Min'ha et Arvit (les trois prières quotidiennes).

En très peu de temps, sa maison se transforma en un véritable refuge pour tous : les jeunes, les personnes plus âgées, les femmes et les enfants. Elle était ouverte à tous, du matin jusqu’aux heures tardives de la nuit. À ce moment, il sortait avec ses invités dans la cour de la maison. Les jeunes s'asseyaient sur l'herbe et buvaient avec soif ses paroles. Ils étaient chez lui réconfortés et avaient le sentiment d'avoir été comblés spirituellement.
Son installation à Alma-Ata n'était pas officielle, à cause des autorités. Néanmoins, dès son arrivée, il commença à s'occuper de la communauté, ainsi que de tous les réfugiés de la guerre.
Le nombre de visiteurs s'accroissait chaque jour. Certains venaient d'Ukraine, de Moscou ou de Leningrad.
Différents groupes, délégués par leur ville, venaient fréquemment, les uns pour lui proposer d'être rav de leur communauté, les autres pour l'inviter à venir les honorer de sa présence et prononcer un discours.
Les gens qui l'entouraient faisaient tout leur possible pour lui venir en aide. La Rabbanit 'Hanna écrit à ce propos : « En voyant tout cela, j'ai pris conscience que jusqu'à présent, je ne savais pas du tout combien grande était l'importance du rav aux yeux des gens. »
Son influence était très importante pour tous. Il y avait de jeunes Juifs de Leningrad qui n'avaient connu, depuis leur naissance, que l'éducation communiste des écoles du gouvernement. Ils rendaient visite en cachette à Rabbi Lévi Its'hak. Ils changèrent très rapidement leur mode de vie. À la maison, ils ne voulaient plus rien manger et exigèrent de leur mère de leur fournir de la nourriture cachère. Une telle conduite engendrait pour eux d'énormes difficultés. D'une part, l'opposition radicale de leurs parents, mais aussi la difficulté de se procurer de la nourriture cachère dans un territoire antireligieux...
Ainsi la maison du rav se transforma-t-elle en un véritable centre spirituel, un luminaire vers lequel tous se tournaient et cherchaient toutes les occasions pour venir s'y réfugier. En particulier, durant les fêtes, beaucoup se sentaient un devoir de se trouver aux côtés de Rabbi Lévi Its'hak et de se renforcer dans l'atmosphère oppressante qui régnait sur chacun.
Dans son quartier habitait un Juif, un intellectuel, qui se vantait de ne pas connaître à l'âge de cinquante-deux ans une seule lettre d'hébreu, et se moquait de ceux qui respectaient Rabbi Lévi Its'hak. Il rendit toutefois visite au rav quelques fois et finit par limiter son temps de travail pour pouvoir discuter avec lui.
À la fête de Chavouot, Rabbi Lévi Its'hak prononça un discours devant les fidèles de la synagogue et, d'une voix enflammée, il leur fit part de l'importance de raffermir leur foi, leur observance de la Torah et des Mitsvot. Il les encouragea à ne prêter aucune attention à ceux qui essaient d'y faire entrave. L'assemblée resta muette d'entendre un tel discours d'un rabbin dans la Russie soviétique. Ce ne fut qu'à la conclusion de ses paroles qu'ils reprirent enfin conscience de leur véritable situation, et la peur et la crainte les gagnèrent tous, car ils savaient qu'à chaque pas se trouvait un dénonciateur, y compris dans un lieu saint comme celui-ci. Ce dernier irait immédiatement transmettre le contenu de ces paroles aux autorités... Ce fut effectivement ce qui arriva.
Quelques jours après, les représentants des autorités rendirent visite ou convoquèrent quelques membres de la synagogue pour un interrogatoire. Dans la maison de Rabbi Lévi Its'hak, ils firent irruption de façon inattendue. À plusieurs reprises, ils se rendirent chez lui et le fait de le voir cloué au lit ne les empêcha pas de revenir. Ces « visites » laissèrent un sentiment de crainte et de peur dans la maison de Rabbi Lévi Its'hak.
Toutefois, en dépit de cette crainte incessante, après cinq ans d'exil et de souffrances, il continua à accomplir le travail qui lui incombait sans aucune peur. La phrase perçante au sujet de la nécessité de rester ferme dans l'observance de la Torah et des Mitsvot fut prononcée avec la même ferveur et intensité qu’avant son arrestation.
Pour ce qui concernait le Judaïsme, il n'y avait aucune différence à ses yeux entre l'époque qui avait précédé son emprisonnement et le moment présent. En cela, il fut une personnalité unique. Dans la plupart des cas, un homme ayant été exilé et qui avait eut la chance de rentrer chez lui était brisé, corps et âme. Sa bouche restait muette et aucun son ne pouvait en sortir. Après tout ce qu'il avait enduré, il n'osait même plus penser contre le gouvernement. Rabbi Lévi Its'hak, lui, dès son retour d'exil, ne cessa jamais son activité pour renforcer la Torah et les Mitsvot, en cachette ou même ouvertement, malgré la surveillance des mécréants.
Depuis le début de sa fonction rabbinique, il fut tel un rocher et continua à se comporter ainsi dans toutes ses pensées et actions.
Ses paroles sortaient du cœur et touchaient tout son entourage. Il y avait de nombreux Juifs réfugiés de la guerre, et certains étaient étrangers, voire opposants à la ‘Hassidout. Mais tous se rendaient chez Rabbi Lévi Its'hak et buvaient ses paroles avec la même soif.
Commencez une discussion