Je m’en souviens comme si c’était hier : une équipe d’étrangers s’attaquant à ma cuisine, scrutant chaque assiette, chaque casserole, chaque cuillère... tout ce que ma cuisine abritait. Le chef d’équipe, Rav Bentzion Chanowitz, effectuait le tri, plaçant certains objets dans la boîte « à cachériser » et d’autres dans un sac poubelle. Je ne comprenais pas toujours la raison pour laquelle certains atterrissaient dans l’un ou l’autre sac mais j’étais sûre d’avoir pris la bonne décision en décidant de rendre ma maison cachère. Je comprenais aussi que je m’étais embarquée dans un voyage intense qui allait bouleverser mes habitudes.
Cachériser sa cuisine peut représenter une décision très difficile. Quand on a l’habitude d’agir d’une certaine manière, le changement est pénible, surtout quand il s’agit de ce que l’on mange ! Je ne savais pas grand-chose de la cacherout quand j’avais pris ma décision mais je l’avais fait néanmoins. Après tout, le peuple juif avait observé ces lois depuis le don de la Torah sur le mont Sinaï, mais n’en connaissait pas grand-chose quand il les avait acceptées. D’ailleurs les Juifs furent « obligés » d’accepter d’accomplir toutes les mitsvot avant de véritablement bien les comprendre ; après, ils les ont étudiées en profondeur et continuent de le faire.
Moi aussi j’ai fini par accepter cette mitsva sans trop savoir ce qu’elle impliquait puis je me suis mise à étudier. De fait, ceci devait devenir une partie importante de mon lien personnel avec notre peuple. Ce fut vraiment un voyage extraordinaire pour lequel je suis à jamais reconnaissante envers tous ceux qui m’ont accompagnée.
Durant le processus de cachérisation, j’appris à déterminer ce qui pouvait être « cachérisé » et ce qui ne pouvait pas l’être ; comment rendre un objet cachère, comment veiller à la cacherout de ma cuisine et comment procéder au trempage dans un mikvé (bain rituel) de presque tous mes ustensiles de cuisine. Ce fut une expérience bouleversante qui provoqua d’innombrables questions – et qui en provoque encore ! « L’équipe cachère » fut incroyablement courtoise et consciencieuse, répondant avec tact à mes remarques et exprimant ouvertement son admiration devant ma décision. Bien qu’il fût parfois douloureux de constater que certains objets ne pouvaient pas être cachérisés, les excellentes explications et l’empathie de mes interlocuteurs hissèrent cet événement à un degré d’observance qui traduisait mes progrès, mon avancement dans l’étude et mon adhésion à ces commandements.
Je fus particulièrement intriguée quand mes plans de travail furent, pour ainsi dire, « repassés » à l’aide d’un fer qui déversait de la vapeur ! J’appris comment considérer les aliments qui n’étaient ni viande ni laitages, comment il fallait séparer certains aliments, aussi bien dans ma cuisine que dans mon corps ! Mais surtout j’appris l’importance de la cacherout et ses immenses bienfaits pour l’âme juive. J’étais heureuse de participer enfin à cet élément fondamental, éternel du peuple juif. Je remercie encore maintenant tous ceux qui m’ont laissé leurs numéros de téléphone pour que je les appelle dès que j’avais un doute. Bien qu’évidemment, de nombreux changements durent se produire dans ma vie et mes habitudes pour « devenir et rester cachère », toutes ces difficultés furent équilibrées par le bien-être et la sérénité d’esprit que je ressentis très rapidement.
Alors quand ma chère amie Andrea m’a téléphoné la semaine dernière pour m’annoncer qu’elle allait aussi enfin franchir cette étape en l’honneur de la Bat Mitsva de sa fille, j’ai été agréablement surprise. Nous avions souvent évoqué le sujet toutes ces années mais, pour une raison ou pour une autre, elle en repoussait chaque fois l’échéance. Mais comme elle désirait que la Bat Mitsva représente une étape importante pour sa fille comme pour elle, elle avait recherché un projet à l’effet spirituel et éternel. S’engager à observer une nouvelle mitsva est toujours une entreprise impressionnante mais laquelle aurait le plus de sens et d’effet ? Elle avait compris que le moment était venu de cachériser sa cuisine.
Maintenant c’était à moi de donner des cours pratiques ! Grâce à mes nombreux contacts, j’ai pu l’aider tout au long du processus, la rassurer, lui donner des idées… Je savais exactement par quoi elle passait, ce qu’elle ressentait et les différentes étapes qu’elle devrait parcourir, les mêmes que j’avais connues il y a 14 ans quand je m’étais trouvée dans cette situation. Maintenant, bien que nous habitions à des centaines de kilomètres l’une de l’autre, c’était comme si nous étions toutes les deux assises dans sa cuisine, en train de discuter de la cacherout et de toutes ses ramifications.
Nous avons passé de nombreux moments au téléphone, parfois bien après minuit à discuter de cacherout, aussi bien des questions terre à terre que de longues dissertations philosophiques sur le rôle de la cacherout dans notre bien-être spirituel. Nous avons évoqué ce lien qui nous unit avec ceux qui ont entendu les commandements relatifs à la cacherout il y a plus de 3300 ans au pied du mont Sinaï et notre volonté de préserver à la lettre les instructions données par D.ieu à Moïse et transmises de générations en génération. Andrea me raconta de nombreuses anecdotes de son enfance dans la cuisine cachère de sa grand-mère qui préparait de si bons petits plats.
La cacherout devenait une réalité et, sans hésiter plus longtemps, Andrea et sa fille étudièrent et comprirent tout ce qu’impliquait ce changement.
Enfin Andrea a rejoint ces foyers juifs – de plus en plus nombreux – de par le monde qui respectent la cacherout et elle n’aurait pas pu devenir plus heureuse. Je continue à lui téléphoner régulièrement pour l’encourager dans ce choix crucial. C’est sûr, respecter la cacherout est une décision majeure qui requiert étude, patience et mise en pratique. Mais le résultat final est bien plus grandiose que l’effort qu’il a nécessité.
Mazal Tov Andrea pour ta nouvelle cuisine cachère. Je compte bien sur notre complicité de tous ces instants pour échanger de délicieuses recettes avec toi !
Jill Lerner – Paru dans L’Chaim n° 1109
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