La Haggadah de Pessa’h est l’un des textes juifs les plus anciens et les plus largement publiés en dehors des Écritures (vous pouvez télécharger une Haggadah à imprimer ici). On discute beaucoup de la paternité de la Haggadah, qui a clairement évolué au fil du temps, de la période du Second Temple à sa forme actuelle, en passant par l’époque michnaïque.

Certaines parties de la Haggadah sont consignées dans la Michna, qui fut achevée vers l’an 189 de l’ère commune. D’autres parties furent ajoutées à l’époque talmudique (qui s’est achevée au Ve siècle) et au milieu de la période guéonique (qui dura jusqu’au XIe siècle), et certains chants ont été ajoutés beaucoup plus tard.

Ce qui suit est une très brève histoire de la Haggadah.

Les toits fissurés

La Torah nous ordonne de raconter à nouveau l’histoire de la Sortie d’Égypte à nos enfants le soir de Pessa’h : « Et tu diras à tes enfants ce jour-là... »1 Mais comme pour le reste de la liturgie, il n’existait pas de texte officiel jusqu’à l’époque des Anshei Knesset Haguedola (les « Hommes de la Grande Assemblée »), qui ont prospéré au 4e siècle avant l’ère commune.

Quel texte était couramment utilisé avant les Anshei Knesset Haguedola ? La Michna2 nous apprend qu’à l’époque du Temple, une partie essentielle du Séder était consacrée à l’explication du passage du Deutéronome : « Un Araméen a essayé de détruire mon père... »3 Ces versets, que beaucoup connaissaient bien puisqu’ils étaient prononcés lorsque les premiers fruits étaient apportés au Temple, décrivent notre descente en exil et la servitude en Égypte et la manière dont D.ieu nous en a finalement sortis et amenés en Terre d’Israël.

Une partie centrale de notre Haggadah cite ce texte et fournit des explications rabbiniques consignées dans le Midrash Mekhilta, qui fut composé par Rabbi Ichmaël vers l’an 135 de l’ère commune.

À l’époque du Temple, les Juifs chantaient également le Hallel (Psaumes 113 à 118), composé par le roi David.

Comme le décrit le Talmud, ils s’asseyaient souvent sur les toits de Jérusalem, louant D.ieu et chantant le Hallel, au point que les toits se fissuraient presque à cause du bruit intense.4

La question supplémentaire dans Ma Nichtana

L’un des moments forts du Séder de Pessa’h est celui où les enfants posent les quatre questions. Il est intéressant de noter que dans la version de Ma Nichtana que l’on trouve dans la Michna, il y a une question sur le sacrifice pascal. L’enfant demande pourquoi « toutes les autres nuits, nous mangeons de la viande rôtie, grillée et cuite, [et] cette nuit, [nous ne mangeons] que de la viande rôtie ». Ainsi, la coutume selon laquelle les enfants posent les questions du Ma Nichtana nous ramène à l’époque du Temple, lorsqu’ils apportaient l’offrande pascale au Temple et mangeaient la viande rôtie. Comme le soulignent les commentaires, de nos jours, nous ne posons plus cette question, car ce n’est pas quelque chose que l’enfant nous verrait faire.

Nous trouvons également d’autres sections du texte de la Haggadah dans la Michna. En voici quelques exemples :

1. « Rabbi Eléazar ben Azarya (1er siècle de l’ère commune) a dit : “Je suis comme âgé de soixante-dix ans...” » Ce passage est tiré de la fin du tout premier chapitre de la Michna.5

2. « Rabban Gamliel6 disait : “Quiconque n’a pas dit ces trois choses à Pessa’h...” »

3. Et la déclaration finale avant de commencer le Hallel : « Dans chaque génération, une personne doit se considérer comme si elle avait quitté l’Égypte... Nous sommes donc tenus de remercier, de louer, de glorifier, d’exalter... »7

D’un autre côté, certaines sections relatent des événements qui eurent lieu à l’époque michnaïque, mais nous ne les trouvons que dans le texte de notre Haggadah. Un exemple de ceci serait l’histoire suivante : « Il arriva que Rabbi Eliézer, Rabbi Yehochoua, Rabbi Eléazar ben Azarya, Rabbi Akiva et Rabbi Tarfone étaient accoudés [lors d’un Séder] à Bnei Berak... »8

Deux débuts de la Haggadah

Si la Michna associe certains textes spécifiques au déroulement du Séder de Pessa’h, il semble que beaucoup de choses aient été laissées à l’appréciation de chacun. Par exemple, la Michna9 nous demande de « commencer par la disgrâce et de conclure par la gloire », ce qui signifie que le récit doit commencer par notre triste état avant la Sortie d’Égypte et se terminer par les sommets atteints après les miracles de Pessa’h.

Mais que devons-nous dire ? Cette question a été débattue aux 2e et 3e siècles par Rav et Chmouel (selon d’autres, il s’agissait d’Abayé et de Rava au 4e siècle).10

Rav soutenait que la disgrâce était d’ordre spirituel. Il promulgua donc un texte qui commence par : Mit’hila ovdei avoda zara, « Au début, nos ancêtres étaient des adorateurs d’idoles... », et se termine par le récit de la gloire de l’arrivée au Sinaï, où nous avons reçu la Torah.

Selon Chmouel, le déshonneur réside dans le fait que nous avons été soumis et réduits en esclavage par les Égyptiens. Ainsi, nous commençons par Avadim hayinou, « Nous étions esclaves du Pharaon en Égypte... »

La loi finale suit l’opinion de Chmouel (ou Rava). Nous commençons donc la Haggadah par Avadim hayinou. Puisque la disgrâce doit être suivi de la gloire qui la remplacée, nous lisons ensuite comment D.ieu nous a délivrés de l’esclavage égyptien.

En pratique, cependant, nous incluons les deux opinions dans notre Haggadah. Ainsi, après avoir parlé de la disgrâce de notre esclavage, nous disons également « Mit’hila ovdei avoda zara », « Au début, nos ancêtres étaient des adorateurs d’idoles », puis nous récitons la gloire correspondante, qui raconte comment nous nous sommes rapprochés de D.ieu.

Ainsi, selon Rabbi David Aboudarham (fl. 1340), le texte de notre Haggadah est principalement une combinaison de ces deux versions.11

Le Sidour de Rav Amram Gaon

Il y eut, cependant, d’autres ajouts au cours des périodes talmudique et guéonique.

Le texte le plus ancien de la Haggadah classique, tel qu’il est récité aujourd’hui encore, se trouve dans le Sidour de Rav Amram Gaon (décédé en 875). Par ailleurs, c’est également la première version du Sidour que nous avons par écrit.

Plusieurs parties de la Haggadah apparaissent pour la première fois dans ce Sidour.

Par exemple, la déclaration araméenne qui est récitée ou chantée au début du Séder, Hei La’hma Anya, « Voici le pain de misère », apparaît pour la première fois dans le Sidour de Rav Amram, ce qui amène beaucoup à conclure qu’elle provient de la période guéonique. D’autres sont d’avis qu’elle est apparu en Israël ou en Babylonie au 1er siècle après la destruction du Temple. Le Rabbi12 fait remarquer que le fait qu’elle soit écrite en araméen prouve qu’elle date de la période qui suivit la destruction, lorsque la majorité des Juifs vivaient en Babylonie, car les rabbins n’auraient pas institué un texte en araméen s’ils avaient encore vécu en Terre Sainte.

Le chant Dayénou apparaît également pour la première fois dans cet ouvrage, ce qui a conduit certains à supposer que Rav Amram en était l’auteur. D’autres pensent qu’au vu de la formulation – notamment le fait qu’elle se termine sur la note culminante de la construction du Temple – elle semble avoir été écrite plus tôt, peut-être pendant la période du Temple.

Depuis lors, il n’y a pas eu de véritables changements dans la formulation et le contenu de la Haggadah. Plus tard, surtout dans la tradition ashkénaze, divers piyoutim et chants ont été ajoutés à certaines versions de la Haggadah.13

La coutume très répandue est de conclure la Haggadah par la prière LeChana Habaah BiYerouchalayim, « L’année prochaine à Jérusalem », ce qui signifie que nous espérons qu’au prochain Pessa’h nous aurons déjà mérité la Rédemption finale, et nous célébrerons la fête dans le Saint Temple de Jérusalem.

Puisse cela se produire rapidement de nos jours !