Rambam - 1 chapitre par jour
Chapitre Six
Lois relatives au repos du jour de fête : Chapitre Six
1. Quand un jour de fête tombe la veille d'un Chabbat, on ne doit pas cuire [au four], ni cuisiner le jour de la fête, ce que l'on consommera le lendemain : Chabbat. Cet interdit est d'ordre rabbinique, pour que l'on en vienne pas à cuire un jour de fête pour un jour de semaine. On pourra dès lors déduire que s'il est interdit de cuire un jour de fête pour un Chabbat, a fortiori est-il interdit de cuire pour un jour de semaine. C'est pourquoi si on a cuisiné un met une veille de fête sur lequel on s'appuie pour cuire le jour de fête pour le Chabbat, cela est permis. Ce met sur lequel on s'appuie est appelé érouv tavchiline.
2. Pourquoi est-il appelé érouv ? Car comme le érouv que l'on établit dans les cours et les mavoï la veille de la fête, pour faire une distinction, de sorte qu'ils [les résidents] ne pensent pas qu'il est permis de déplacer [des objets] d'un domaine à un autre le Chabbat, ce met est cuisiné dans l'intention de faire une distinction : pour qu'on ne pense pas qu'il est permis de cuire le jour de fête ce que l'on a pas l'intention de consommer en ce jour. C'est pourquoi ce met est appelé érouv tavchiline.
3. La mesure minimale d'un érouv tavchiline est le volume d'un olive, qu'il serve à une personne ou à des milliers. On ne doit pas faire ce érouv avec du pain ou avec des céréales et tout ce qui ressemble, mais avec un met cuisiné qui est [habituellement] servi avec du pain, par exemple, de la viande, du poisson, des œufs et tout ce qui ressemble. [On peut] même [utiliser] les lentilles qui restent dans le fond de la marmite. On peut même racler la graisse restante sur le couteau utilisé pour couper la [viande] grillée ; s'il y a le volume d'une olive, on peut l'utiliser pour le érouv tavchiline.
4. Le met qu'ils [nos sages] ont défini [comme susceptible d'être utilisé] comme érouv tavchiline peut être grillé, mijoté, mariné ou fumé. On peut même se servir de petits poissons sur lesquels on a versé de l'eau bouillante, ce qui est leur forme de cuisson.
5. Ce érouv tavchiline doit être à portée de main jusqu'à ce que l'on cuise [au four] tout ce que l’on doit cuire [au four], et que l’on cuise tout ce que l’on doit cuire. Si le érouv a été consommé ou qu'il a été perdu, ou brûlé, avant que l’on cuise [ce qui est nécessaire pour le Chabbat], il est interdit de cuire ou de réchauffer, si ce n'est ce dont on a besoin pour le jour même de la fête. Si on a commencé [à pétrir] une pâte ou [à préparer] un met, et que le érouv a été [entre-temps] consommé ou perdu, il est permis de terminer [cette préparation].
6. Celui qui pose son érouv pour s'en servir avec d'autres personnes doit le leur faire acquérir de la même manière qu'il doit leur faire acquérir le érouv du Chabbat. Quiconque peut acquérir [une part pour d'autres personnes dans] le érouv du Chabbat acquiert [une part pour d'autres personnes dans] le érouv tavchiline. Quiconque ne peut pas acquérir une part [pour d'autres] dans ce érouv ne peut pas acquérir dans l'autre.
7. Il n'est pas nécessaire d'informer les personnes pour lesquelles on a acquis [une part du érouv] la veille de la fête. Toutefois, ils doivent savoir que quelqu'un a déjà acquis pour eux [une part] et leur a établi un érouv avant qu'elles s'en servent [pour cuire]. Bien qu'ils ne l'ont su que le jour de la fête, il ont le droit [de s'en servir]. Un homme peut établir un érouv pour toute la ville, et tout le voisinage à l'intérieur de la limite chabbatique, et le lendemain proclamer : « celui qui n'a pas établi un érouv tavchiline peut compter sur le mien ».
8. Celui qui établit un érouv doit réciter la bénédiction : « Béni Tu es, Eternel notre D.ieu qui nous as sanctifié par Ses commandements et nous as donné le commandement concernant le précepte du érouv. Et il dit : « Par ce érouv, il me sera permis de cuire demain, le jour de la fête, pour le Chabbat ». S'il inclut d'autres personnes [dans son érouv], il doit dire : « [Il sera permis de cuire] à moi, à telle personne et à telle personne, ou à tous les habitants de la ville le jour de la fête pour le Chabbat ».
9. Celui qui n'a pas établi de érouv tavchiline lui-même et que personne n’a inclus [dans son érouv], de même qu'il lui est interdit de cuire [le jour de la fête pour le Chabbat], sa farine et sa nourriture sont interdites [ne doivent pas être utilisés pour la cuisson des plats du Chabbat]. Il est interdit à une autre personne qui a fait [un érouv] pour elle-même de cuire pour celui qui ne l'a pas fait [en utilisant la nourriture de celui qui n'a pas établi d'érouv], à moins qu'il [celui qui n’a pas de érouv] lui transfère son droit de propriété [sur la nourriture]. [Dans ce cas], celui qui a établi le érouv cuit ce qui lui appartient, étant donné qu'il l'a acquis. S'il le désire, il peut ensuite donner [cette nourriture] à celui [qui lui en a fait don et] qui n'a pas établi le érouv.
10. [Si quelqu'un] n'a pas établi d'érouv tavchiline, et a cuit pour manger le jour même, et qu'il est resté [de la nourriture], ou qu'il a convié des invités qui ne sont pas venus, il peut consommer ce qui reste le lendemain. S'il agit avec ruse, il lui est interdit de consommer [ce qu'il a ainsi préparé]. S'il a transgressé et cuit pour le Chabbat [le jour de fête], il ne lui est pas interdit de consommer [ce qu'il a préparé. Pourquoi [nos sages] ont-ils été plus stricts et ont interdit à celui qui ruse [de consommer ce qu'il a préparé], [mais] non à celui qui transgresse volontairement ? Parce que si l'on permettait à celui qui ruse [de consommer ce qu'il a préparé], tous se mettraient à ruser et le concept du érouv tavchiline se perdrait. Cependant, celui qui transgresse volontairement n'est pas fréquent et le fait qu'il transgresse aujourd'hui ne signifie pas qu'il transgressera par la suite.
11. Quand deux jours de fête tombent un jeudi et une veille de Chabbat, on établit le érouv tavchiline le mercredi qui est la veille du [premier] jour de fête. Si on a oublié, on le fait le premier jour de fête en posant une condition. Comment [cela s'applique-t-il] ? On met un érouv tavchiline le jeudi et on dit : si c'est aujourd'hui un jour de fête et le lendemain un jour ordinaire, je cuirai [demain] pour le Chabbat, et je n'ai besoin de rien. Si c'est aujourd'hui un jour ordinaire et que le lendemain est un jour de fête, il me sera permis par ce érouv de cuire demain, le jour de la fête, pour le Chabbat.
12. Voici un exemple similaire : celui qui possède deux paniers tévél, le premier jour de la fête, il dit : « Si aujourd'hui est un jour profane, que ceci [panier] soit considéré comme térouma pour l'autre [panier]. Si le jour est saint [un jour de fête], mes paroles sont sans conséquence. Il désigne ainsi [le panier de térouma] et le laisse. Le lendemain, le second jour de fête, il revient et dit : « Si aujourd'hui est un jour de saint [un jour de fête], mes paroles sont sans conséquence et si c'est un jour ordinaire, que ce [panier] soit considéré comme térouma pour l'autre [panier] ». Il désigne [le même panier comme térouma] et le laisse comme il l'a fait le premier [jour de la fête]. Il laisse [le panier] qu'il a désigné comme térouma et mange du second.
13. Dans quel cas cela s'applique-t-il ? Pour les deux jours de fêtes en diaspora. Cependant, les deux jours de fête de Roch Hachana, si [un homme] oublie et n'établit pas le érouv le mercredi, il ne peut plus le faire. Plutôt, il s'en remet au érouv d'autres [personnes], s'ils l'ont inclus dans leur érouv, ou fait acquérir sa farine à celui qui a fait le érouv. Sinon, il lui est interdit de cuire pour le Chabbat [durant la fête]. De même, s'il a oublié et n'a pas prélevé la térouma le mercredi, il ne peut plus le faire jusqu'à la sortie du Chabbat.
14. Tout ce que nous avons expliqué s'applique seulement quand le tribunal rabbinique d'Erets Israël sanctifiait [le nouveau mois] suivant l'observation [de la nouvelle lune] ; ceux [les juifs] de diaspora observaient alors deux jours [de fête] du fait du doute, parce qu'ils ne savaient pas quel jour les habitants d'Erets Israël avaient sanctifié [le nouveau mois]. A présent, les habitants d'Erets Israël suivent le calcul [astronomique] et sanctifient les mois [suivant ce calcul] ; le second jour de fête n'a pas pour but d'éviter le doute, mais n'est qu'une coutume.
15. C'est pourquoi je dis qu’à l'époque actuelle, on ne peut pas établir en utilisant des conditions un érouv tavchiline, un érouv 'hatsérot, ni un chitouf dans une cour. On ne doit pas [non plus] prélever la dîme en utilisant une condition, mais [on doit] tout [faire] la veille de la fête.
16. De même qu'il est une mitsva d'honorer le Chabbat et d'y prendre plaisir, ainsi tous les jours de fête, comme il est dit : « sanctifié pour D.ieu, honoré ». Il est dit au sujet de tous les jours de fête : « événement saint ». Et nous avons déjà expliqué en quoi consiste l'honneur et le délice dans les lois du Chabbat. De même, il convient à tout homme de ne pas prendre un repas la veille des jours de fête, depuis [l'heure de] Min'ha et après, comme la veille du Chabbat, car cela fait partie de l'honneur [dû à la fête]. Quiconque méprise les fêtes est [considéré] comme s'il s'était adonné à un culte idolâtre.
17. Il est interdit de prononcer l’oraison funèbre d’un défunt ou de jeûner durant les sept jours de la fête de Pessa'h, les huit jours de la fête [de Souccot] et les autres jours de fête. Tout homme est astreint en ces jours à être heureux et avoir un bon esprit, lui, ses enfants, sa femme, ses petits-enfants, et tous ceux qui dépendent de lui, ainsi qu'il est dit : « Et tu te réjouiras dans tes fêtes... » Bien que la joie dont il est ici question fasse référence aux sacrifices de chélamim [lit. sacrifices de paix], comme cela sera expliqué dans les Lois de 'Haguiga, il est [néanmoins] compris dans [l'obligation relative à] cette joie de réjouir ses enfants et les membres de sa maison, chacun de façon appropriée.
18. Comment [cela s'applique-t-il] ? On donne aux enfants des graines grillées, des noix et des douceurs. Il faut acheter aux femmes de beaux vêtements et des bijoux selon ses moyens. Les hommes doivent consommer de la viande et boire du vin, car il n'est de joie qu'avec de la viande et il n'est de joie qu’avec le vin. Celui qui mange et boit doit nourrir les étrangers, les orphelins et les veuves avec les autres pauvres qui sont démunis. Par contre, celui qui ferme les portes de sa cour, mange et boit avec sa femme et ses enfants sans donner à manger aux pauvres et à ceux qui sont dans l'amertume, ne partage pas une joie liée à une mitvsa, mais une joie liée à son ventre. A son propos, il est dit : « Leur sacrifice sont comme la pain des affligés, tous ceux qui en consomment deviendront impurs car [ils gardent] leur pain pour eux-mêmes. Cette joie est une disgrâce pour eux, comme il est dit : « Je répandrai de la fiente sur vos faces, la fiente de vos fêtes. »
19. Bien que manger et boire fassent partie du commandement positif, on ne doit pas manger et boire toute la journée, mais telle est la pratique adéquate : Le matin, tout le monde se presse dans les synagogues et dans les maisons d'étude, et prie, lit [le passage de] la Torah ayant trait au jour [de fête], on rentre à la maison, et on mange. On se rend [alors] aux maisons d'étude, où on lit [la Torah écrite] et étudie [la Torah orale], jusqu'à midi. Après midi, on prie la prière de Min'ha, et on rentre à la maison pour manger et boire le reste de la journée jusqu'à la nuit.
20. Quand un homme mange, boit, et se réjouit durant la fête, il ne doit pas être attiré par le vin, l'allégresse et la légèreté, en disant : « Quiconque multiplie ces pratiques ajoute dans la joie [relative à la fête] ». Car trop d'ivresse et d'allégresse et la légèreté ne sont pas considérés comme de la joie, mais comme de la frivolité et de la bêtise. Et nous n'avons pas été astreint à nous laisser aller à la frivolité et à la bêtise, mais à la réjouissance qui relève du service du Créateur de tout, ainsi qu'il est dit : « Parce que tu n'as pas servi D.ieu avec joie et un cœur heureux. » Cela nous enseigne que le service [de D.ieu] doit être [accompli] dans la joie. Et il n'est pas possible de servir D.ieu avec légèreté, frivolité ou ivresse.
21. Le tribunal rabbinique est astreint de placer des agents qui circuleront [parmi le peuple] durant les fêtes, et inspecteront les jardins, les vergers, et les rivières, de sorte que les hommes et les femmes ne se réunissent pas pour manger ensemble et en viennent à fauter. De même, ils doivent mettre en garde tout le peuple pour que les hommes ne se mélangent pas avec les femmes durant les festivités dans leur maison, et ne se laissent pas aller au vin, de crainte qu'ils n'en viennent à fauter.
22. Les jours entre le premier et le septième jour de Pessa'h, et [entre] le premier et le huitième jour de [Souccot], qui sont en diaspora quatre [jours] durant Pessa'h et cinq [jours] durant Souccot, sont appelés 'Hol Hamoed, et sont [également] appelés moed. Bien que nous soyons enjoint de nous réjouir [en ces jours,] et qu'il soit interdit de prononcer l’oraison funèbre [d'un mort] et de jeûner, il est permis de faire l’oraison funèbre d'un [défunt qui était un] sage de la Torah devant [son corps]. Toutefois, après qu'il ait été enterré, il est interdit de prononcer son l’oraison funèbre en [ces jours]. Il est inutile de dire que l'on fait l’oraison funèbre des sages de la Torah devant [leur corps] le jour de Roch 'Hodesh [du nouveau mois], à Hanoucca et à Pourim, bien qu'il soit interdit en ces jours de faire une oraison funèbre ou de jeûner. Néanmoins, après l'enterrement, il est interdit de faire une oraison funèbre [en ces jours].
23. Pendant [Hol] Hamoed , on ne pose pas le lit d'un mort dans la rue [comme cela se faisait un jour profane], pour ne pas s'accoutumer à faire un éloge. Plutôt, on doit l'amener de la maison [directement] à la tombe. On n'observe pas de rite de deuil durant la fête. De même, on ne déchire pas [ses vêtements], on ne prend pas part au repas de condoléances [servi après l'enterrement], et on ne met pas à nu son épaule du fait d'un décès durant la fête, à l'exception de ses proches qui sont astreints à s'endeuiller de son fait. S'il était un sage ou un homme droit, ou que l'on était présent lors de son décès, on se doit se déchirer [ses vêtements] durant [Hol] Hamoed, même si l'on est pas un parent proche. Il est interdit de déchirer [ses vêtements] le second jour de fête, même pour un proche.
24. Durant la fête, les femmes se lamentent devant un mort, mais ne doivent pas taper des mains en signe de deuil ni s'affliger. Les jours de Roch Hodesh, ainsi qu'à 'Hanouca et Pourim, elles peuvent se lamenter et taper des mains en signe de deuil, mais pas s'affliger. Qu'est-ce que se lamenter ? Toutes se lamentent ensemble. Qu'est-ce que s'affliger ? L'une récite [une hymne] et toutes répondent [ensemble]. Il est interdit pour un homme de faire réciter une oraison funèbre pour un défunt trente jours avant la fête, pour que la fête n'arrive pas alors qu’il est triste, et que son cœur est chagriné et blessé du fait du souvenir de la douleur. Plutôt, il doit éloigner le souci de son cœur et attirer son attention vers la joie.