Rambam - 1 chapitre par jour
Chapitre Sept
Lois des fondements de la Torah : Chapitre Sept
1. L’un des fondements de la foi est d’être conscient que D.ieu communique avec l’homme par la prophétie. La prophétie n’est octroyée qu’à un sage éminent, vaillant [qui a un parfait contrôle de soi, c'est-à-dire qu’il n’est] aucunement dominé par son inclination, mais [au contraire] son esprit soumet toujours celle-ci . Il doit avoir l’esprit large et juste . Un homme nanti de toutes ces qualités et en bonne santé, s’il entre dans le Pardess [cf. ch. 4 § 13], et pénètre ces concepts grands et sublimes, avec la finesse d’esprit [nécessaire] pour comprendre et saisir [les sujets abordés], se sanctifie, se sépare de la multitude qui marche dans l’obscurité du temps, se dévoue et s’initie à n’avoir aucune pensée liée aux futilités ou vanités du temps, mais [au contraire, que] son esprit soit toujours orienté vers le Ciel, et fixé en dessous du Trône [de Gloire de D.ieu] pour comprendre les saintes et pures formes, et contemple la sagesse du Saint Béni soit-Il [à travers Sa création], depuis la première forme [les saints anges appelés hayot] jusqu’[aux créatures qui résident sur] terre, prenant ainsi conscience de Sa grandeur, l’esprit divin reposera immédiatement sur lui. Lorsque l’esprit [divin] reposera sur lui, son âme se mêlera au niveau des anges appelés les ichim, et il deviendra une autre personne. Il comprendra qu’il n’est plus comme auparavant, qu’il s’est élevé au-delà du niveau des autres hommes sages, comme il est dit, à propos de Saül : « Tu prophétiseras avec eux, et tu deviendras un autre homme. »
2. Il existe différents niveaux de prophètes. De même qu’en sagesse, certains sages en dépassent d’autres, ainsi, dans le domaine de la prophétie, certains prophètes en dépassent d’autres. Tous ne reçoivent leur vision prophétique qu’à travers un rêve nocturne, ou le jour, après qu’ils soient pris de torpeur, comme il est dit : « Je Me manifesterais à lui par une vision, c’est en songe que Je M’entretiendrais avec lui. » Tous [les prophètes], quand ils prophétisent, leurs membres tremblent, la force de leur corps diminue, leurs pensées se troublent, et leur esprit est ainsi disposé à comprendre ce qu’ils voient, comme il est dit, au sujet d’Abraham : « Tandis qu’une angoisse sombre, profonde, pesait sur lui », et à propos de Daniel : « Mon visage s’altéra jusqu’à en devenir livide, et je tombai dans un état de faiblesse. »
3. Ce sont des images métaphoriques qui sont communiquées au prophète durant sa vision prophétique. Immédiatement, l’interprétation de cette image est gravée en son esprit, et il en connaît le sens. Telle l’échelle que vit Jacob notre père, avec des anges qui montaient et descendaient, [image] qui était une métaphore pour les empires et leur soumission. De même, les hayot que vit Ézéchiel, la chaudière bouillonnante et l’amandier que vit Jérémie, le rouleau que vit Ézéchiel, et la mesure (épha) que vit Zacharie, et ainsi [les visions] des autres prophètes. Certains rapportèrent l’image et son interprétation, comme dans les cas susmentionnés. Certains rapportèrent seulement l’interprétation. Parfois, ils rapportèrent l’image sans son interprétation, comme certaines prophéties d’Ézéchiel et de Zacharie. Toutes les prophéties leur sont communiquées sous forme d’images métaphoriques et d’énigmes.
4. Tous les prophètes ne prophétisent pas quand ils le désirent ; ils doivent concentrer leur esprit, et rester joyeux et de bonne humeur, isolés, car la prophétie ne repose pas [sur une personne] mélancolique ou indolente, mais dans la joie. C’est pourquoi, les disciples des prophètes [cf. infra § 5] avaient luth, tambourin, flûte, et harpe, et recherchaient la prophétie. C’est là le sens de ce qui est dit : « s’adonnant à la prophétie », c'est-à-dire marchant dans le chemin de la prophétie jusqu’à ce qu’ils prophétisent, comme l’on dirait : « Untel aspire à la grandeur ».
5. Ceux qui cherchent à prophétiser sont appelés les « disciples des prophètes ». Bien qu’ils concentrent leur esprit, il est possible que l’esprit divin repose sur eux comme il est possible qu’il ne repose pas [sur eux].
6. Tout ce que nous avons exposé est la voie de la prophétie de tous les premiers et derniers prophètes, à l’exception de Moïse notre maître, le maître de tous les prophètes. Quelle différence y a-t-il entre la prophétie de Moïse et [celle de] tous les autres prophètes ? a) Tous les prophètes [prophétisaient] dans un rêve ou une vision [dans un état de torpeur], et Moïse notre maître prophétisait tout en étant éveillé et conscient, comme il est dit : « Quand Moïse entrait dans la Tente d’Assignation pour Lui, il entendait la Voix s’adresser à lui ». b) Tous les prophètes [recevaient leur vision prophétique] par l’intermédiaire d’un ange, c’est pourquoi, leur vision consistait en une image métaphorique, une énigme, tandis que Moïse notre maître [ne prophétisait] pas par l’intermédiaire d’un ange, comme il est dit : « Je lui parle face à face », et il est dit : « L’Éternel s’entretenait avec Moïse face à face », et il est dit : « C’est l’image de D.ieu qu’il contemple », c'est-à-dire qu’il n’y avait pas [dans la prophétie de Moïse] d’image prophétique, mais il voyait la chose telle qu’elle, sans image métaphorique ou énigme. C’est ce que la Torah témoigne à son propos : « une claire apparition sans énigme », car sa prophétie ne consistait pas en une énigme mais en une apparition ; il contemplait la chose telle qu’elle. c) Tous les prophètes étaient emplis de crainte, d’effroi, et bouleversés [lorsqu’ils prophétisaient], mais non Moïse. C’est ce que [nous enseigne] le verset : « Comme un homme s’entretient avec un autre », c'est-à-dire de même qu’un homme n’est pas effrayé en entendant les paroles de son semblable, ainsi, Moïse notre maître avait une force d’esprit [suffisante] pour comprendre les paroles prophétiques tout en restant posé. d) Tous les prophètes ne pouvaient pas prophétiser quand ils le désiraient, tandis que Moïse notre maître voyait, à chaque fois qu’il le désirait, l’esprit divin s’investir en lui, et il prophétisait. Il n’avait pas besoin de se concentrer et de se préparer, car il était [déjà à tout moment] disposé et prêt, comme les anges. Aussi pouvait-il prophétisait à tout moment, ainsi qu’il est dit : « Attendez que j’apprenne ce que l’Éternel statuera à votre égard. » Ce fut la promesse de D.ieu, comme il est dit : « Va, dis-leur de rentrer dans leurs tentes ; toi, tu resteras avec Moi ». Tu apprends donc que tous les prophètes, lorsque la prophétie les quittait, s’en retournaient à leur tente [leur vie familiale], c'est-à-dire tous les besoins du corps, comme les autres personnes. Aussi ne se séparaient-ils pas de leurs femmes. Moïse notre maître, ne revint pas à sa première tente. C’est pourquoi, il se sépara de son épouse et de tout ce qui est semblable pour toujours. Son esprit fut [dès lors] lié au Rocher Éternel, et la splendeur ne le quitta plus jamais. La peau de son visage rayonna et il devint saint comme les anges.
7. Il est possible qu’un prophète connaisse l’état prophétique dans son propre intérêt, [c'est-à-dire] pour élargir son esprit et accroître ses connaissances, afin d’en savoir davantage sur ces concepts sublimes. Il est possible qu’il [un prophète] soit envoyé chez l’un des peuples du monde, ou chez les habitants d’une certaine ville ou d’un royaume, pour les préparer et pour les aviser de ce qu’ils doivent faire, ou pour mettre un terme à leurs mauvais agissements. Lorsqu’il [le prophète] est envoyé [en mission], un signe ou un miracle [à accomplir] lui est enseigné, afin que le peuple sache que c’est réellement D.ieu qui l’a envoyé. Quiconque accomplit un signe ou un miracle ne doit pas être cru [quand il dit] être prophète. Mais si un homme, dont on sait qu’il est apte à la prophétie de par sa sagesse et ses actions qui dépassent [celles de] ses contemporains, suit les chemins de la prophétie dans la sainteté et l’isolement, puis, vient et accomplit un signe ou un miracle, disant que D.ieu l’a envoyé, il est une mitsva de l’écouter, ainsi qu’il est dit : « C’est lui que vous devez écouter ». [Certes,] il est possible qu’il accomplisse un signe sans être prophète – signe qui cache autre chose [de la sorcellerie par exemple] – néanmoins, il est une mitsva de l’écouter ; étant donné qu’il est un homme grand et sage, apte à la prophétie, on s’en remet à la présomption [qu’il est un véritable prophète]. En effet, tel est [le commandement] qui nous a été ordonné, de la même manière qu’il nous a été ordonné de trancher un jugement sur la base du témoignage de deux témoins – malgré la possibilité qu’ils aient déposé un faux témoignage – puisque nous les connaissons comme valides, on s’en remet à [la présomption de] leur validité. Concernant ceci et ce qui est semblable, il est dit : « Les choses cachées appartiennent au Seigneur, notre D.ieu ; mais les choses révélées importent à nous et à nos enfants », et il est dit : « L’homme ne voit que [ce qui apparaît] à l’œil [c'est-à-dire l’extérieur], D.ieu regarde le cœur. »