Rambam - 1 chapitre par jour
Les remarques susmentionnées concernent les règles, décrets, ordonnances, et coutumes post-talmudiques. En revanche, tout ce qui est mentionné dans le Talmud de Babylone incombe à tous les juifs. Ainsi, [les habitants de] chaque ville et de chaque pays sont tenus de suivre toutes les coutumes observées par les sages du Talmud, de promulguer leurs décrets, et de respecter leurs ordonnances. [En effet,] toutes ces [institutions] mentionnées dans le Talmud reçurent l’assentiment de l’ensemble du peuple juif.
Et les sages qui instituèrent ces ordonnances, promulguèrent ces décrets, introduisirent ces coutumes, rendirent ces décisions, et enseignèrent que tel jugement était correct, formaient la totalité ou la majorité des sages du peuple juif. Ils furent les [piliers] qui reçurent les traditions concernant les principes fondamentaux du judaïsme [dans une chaîne interrompue] depuis Moïse notre maître, puisse son âme reposer en paix. Les sages qui sont apparus après la compilation du Talmud, qui l’ont étudié en profondeur, et qui sont devenus célèbres pour leur sagesse, sont appelés les Guéonim.
Tous ces Guéonim qui ont fleuri en Terre d’Israël, en Babylonie, en Espagne, et en France ont enseigné la méthode du Talmud, élucidé ses passages obscurs, et exposé les [différents] sujets qui y sont abordés, car l’approche [talmudique] est très subtile. De surcroît, il [le Talmud] fut rédigé en un mélange d’araméen et d’autres langues, qui était le dialecte des [juifs] babyloniens lors de sa compilation.
Cependant, dans les autres pays, ainsi qu’en Babylonie du temps des Guéonim, personne ne comprenait ce dialecte, à moins qu’il lui ait été enseigné. Les habitants de chaque ville soumettaient de nombreuses questions au Gaon de l’époque sur des passages difficiles du Talmud, et ces Guéonim répondaient selon leur aptitude. Ceux qui posaient les questions compilaient les réponses, dont ils firent des livres destinés à l’étude. Les Guéonim, à différentes périodes, rédigèrent, eux aussi, des commentaires sur le Talmud : certains abordèrent [dans leurs écrits] quelques lois spécifiques, d’autres des chapitres particuliers qui présentaient des difficultés à leurs contemporains, et d’autres [exposèrent] des traités et des ordres [entiers du Talmud].
Il firent [également] des compilations de sentences concernant choses permises et interdites, [infractions] pénales ou non passibles d’une peine, traitant de sujets d’actualité, qui pourraient être compris par celui qui ne pouvait pénétrer les profondeurs du Talmud ; telle est la tâche divine dans laquelle tous les Guéonim ont œuvré, depuis la conclusion du Talmud jusqu’à la présente date, qui est la huitième année du douzième siècle après la destruction du Temple, ce qui correspond à l’année 4937 depuis la création du monde.
À notre époque, où les vicissitudes nous assaillissent, et tous ressentent la pression des temps difficiles, la sagesse de nos sages a disparu, et la compréhension de nos hommes dotés de discernement est devenue cachée. Aussi, les commentaires des Guéonim et les [compilations de] lois, et réponses, qu’ils considéraient [rédigés dans un style] limpide sont aujourd’hui devenus difficiles d’accès, et seul un petit nombre les comprennent.
A fortiori [en est-il de même] pour le Talmud – [le Talmud] de Babylone comme [le Talmud] de Jérusalem – le Sifra, le Sifrei, la Tossefta, [dont la compréhension] nécessite un esprit large, une âme sage, et une [étude] considérable, pour y découvrir le droit chemin [dans la pratique, c'est-à-dire pour déterminer] ce qui est interdit et ce qui est permis, et autres règles de la Torah.
Pour cette raison, moi, Moïse, fils de Maïmon le Séfaradi, je me suis mis à l’œuvre, et m’en remettant à l’aide de D.ieu, béni soit-Il, j’ai minutieusement étudié tous ces livres, dans l’intention de réunir toutes les conclusions de ces ouvrages concernant ce qui est interdit et ce qui est permis, ce qui est impur et ce qui est pur, et autres lois de la Torah, tout ceci dans un style limpide et concis, afin que la Loi Orale puisse être connue de tous, sans [devoir évoquer] problèmes et solutions, et divergences d’opinion, chaque [sage] soutenant sa thèse, mais des propos clairs et convaincants, conformes aux conclusions tirées de toutes les compilations et commentaires ayant vu le jour depuis Rabeinou Hakadoch jusqu’à l’époque actuelle, de manière à ce que toutes les lois soient accessibles au plus jeune comme au plus âgé, qu’elles relèvent des préceptes [bibliques] ou des institutions établies par les sages et prophètes, de sorte qu’aucun autre ouvrage ne soit nécessaire pour [vérifier] quelque loi que ce soit. [En d’autres termes,] que cet ouvrage réunisse l’ensemble de la Loi Orale, y compris ordonnances, coutumes, et décrets institués depuis Moïse notre maître jusqu’à la compilation du Talmud, tels qu’exposés pour nous par les Guéonim dans tous leurs ouvrages post-talmudiques.
J’ai donc intitulé cette œuvre le Michné Torah (« Répétition de la Loi »), car une personne qui lit tout d’abord la Loi écrite, et ensuite cet [ouvrage], connaît ainsi l’intégralité de la Loi Orale, sans avoir besoin de consulter un autre ouvrage entre eux. Il m’a paru opportun de partager cet ouvrage en [sections de] lois [regroupées] par thème ; ces [sections de] lois sont divisées en chapitres, et chaque chapitre est divisé en petits paragraphes, afin qu’elles puissent être facilement retenues.
Parmi les [sections de] lois réparties par thème, certaines sont des règles liées à un seul commandement [biblique], tant ce précepte est riche en traditions orales et forme un sujet en soi. D’autres [sections] regroupent des règles liées à plusieurs commandements, quand toutes celles-ci concernent un même sujet, car cet ouvrage est organisé par thèmes, indépendamment du nombre de commandements contenus, comme cela sera expliqué au lecteur. Le nombre de commandements de la Torah qui incombent à toutes les générations est 613 : 248 sont des commandements positifs, [le moyen] mnémotechnique [pour les retenir est qu’ils correspondent] au nombre d’os du corps humain. 365 sont des commandements négatifs ; [le moyen] mnémotechnique [pour les retenir est qu’ils correspondent] au nombre de jours de l’année solaire.