Rambam - 3 chapitres par jour
Lois du louage: Chapitre Dix, Lois du louage: Chapitre Onze, Lois du louage: Chapitre Douze
Lois du louage : Chapitre Dix
1. Celui qui consent un prêt sur gage à son prochain – qu’il lui ait prêté de l’argent ou bien des fruits, qu’il ait reçu le gage au moment du prêt ou bien après — est considéré comme un gardien rémunéré. En conséquence, s’il perd le gage ou que [le gage] lui ait été volé, il doit en dédommager le propriétaire ; et si le gage lui a été pris dans un cas de force majeure (onès), par exemple s’il lui a été ravi par un voleur armé et autres cas semblables de force majeure, il devra jurer qu’il se trouvait bien dans une telle situation et alors le propriétaire du gage remboursera son emprunt jusqu’au dernier centime.
2. Si quelqu’un dit à son prochain : « Garde-moi ceci et je te garderai cela », il s’agit d’une garde de propriétaires (chemira ba-be’alim). S’il lui dit : « Garde-moi ceci aujourd’hui et je te garderai cela demain », « Prête-moi ceci aujourd’hui et je te prêterai cela demain », « Garde-moi ceci aujourd’hui et je te prêterai cela demain », « Prête-moi ceci aujourd’hui et je te garderai cela demain », dans tous les cas, ils se sont mutuellement constitués gardiens rémunérés.
3. Tous les artisans sont considérés comme des « gardiens rémunérés », mais ceux qui disent à leurs patrons : « Reprends ton bien et paie-moi en espèces » ou : « J’ai fini mon travail » et que le patron ne vient pas récupérer son objet, l’artisan est considéré comme un « gardien bénévole ». Mais si l’artisan a dit à son patron : « Paie-moi en espèces et reprends ton bien », le patron doit quand même le rémunérer comme convenu.
4. Si un patron a engagé des artisans pour réparer un objet et que ces derniers l’ont abîmé, ils doivent le rembourser. Comment cela ? Si, par exemple, on a confié à un menuisier une armoire, un coffre ou une estrade (migdal) pour y planter un clou, et qu’il a cassé le meuble, ou si on lui a confié du bois afin de réaliser une armoire, un coffre ou une estrade et qu’ils se sont brisés après leur achèvement, il doit rembourser le prix de l’armoire, du coffre ou de l’estrade car la valeur ajoutée (cheva’h) n’appartient pas à l’artisan. S’il a été confié de la laine à un teinturier et que ce dernier l’a brûlée en chauffant trop le chaudron, il devra rembourser la laine. S’il l’a mal teinte ou qu’il l’a teinte en noir plutôt qu’en rouge ou en rouge plutôt qu’en noir, s’il a été confié du bois à un menuisier pour en faire une belle chaise et qu’il en a fait une chaise quelconque ou un banc, si la valeur ajoutée est supérieure aux frais de fabrication, le propriétaire du bien paie les frais ; si, au contraire, les frais de l’artisan sont plus importants que la valeur ajoutée, il ne paie que cette dernière.
5. Si le propriétaire du bien dit : « Je ne veux pas de cet ouvrage, que l’ouvrier ne me rembourse que la valeur du bois ou de la laine », on ne l’écoute pas. De même, si l’artisan dit : « Prends la valeur de ta laine ou de ton bois et va-t’en, on ne l’écoute pas car la valeur ajoutée n’appartient pas à l’artisan.
6. Si quelqu’un apporte du blé au meunier [et] que ce dernier ne l’ait pas [suffisamment] humecté et en tire du son de blé ou du son de graines ; [ou] donne de la farine au boulanger et qu’il en fait du pain de mauvaise qualité ; [ou] une bête au boucher et qu’il l’abat la rendant impropre à la consommation (nevela) – tous doivent rembourser leur client car ils sont rémunérés. Conséquemment, si le boucher était un professionnel (moum’hé) et qu’il a travaillé gratuitement, il ne doit pas rembourser son client ; mais si ce n’était pas un professionnel, même s’il a travaillé gratuitement, il doit rembourser son client. Ainsi, celui qui montre un dinar à un changeur, que ce dernier l’estime bon et qu’il s’avère mauvais, si le changeur a été payé pour son expertise, il doit rembourser son client, même s’il est connaisseur et qu’il n’a plus besoin de s’instruire ; mais s’il a réalisé l’expertise gratuitement, il est quitte, dans le cas où c’est un expert qui n’a plus besoin de s’instruire. Si ce n’est pas un expert, il devra dédommager son client même s’il a effectué son expertise gratuitement, à condition, toutefois, que [le client] ait dit au changeur : « Je me repose sur toi », ou que ses propos lui aient fait comprendre qu’il se reposait sur son expertise et qu’il ne soumettrait pas son dinar à l’expertise d’autres changeurs. Un boucher qui a travaillé gratuitement mais a abattu la bête la rendant impropre à la consommation, [ou] un changeur qui a dit : « La pièce est bonne » et qu’elle se révèle mauvaise ou tout autre cas semblable, c’est au professionnel de prouver qu’il est expert et s’il n’a pu fournir la preuve [de son aptitude], il doit rembourser son client.
7. Là où il est d’usage que celui qui plante des arbres partage avec le propriétaire du terrain le gain réalisé de façon égale, si [sur une part de la plantation] un gain est réalisé et [sur une autre part c’est] une perte qui est subie, on calcule la moitié du gain, on en déduit ce que le planteur a perdu et il reçoit ce qui reste. Et même si le planteur a convenu de ne rien recevoir s’il subissait une perte, cela ne constitue pas un engagement formel et on ne lui déduira que ce qu’il a perdu. Si l’habitude du planteur et du propriétaire était que chacun d’eux reçoive la moitié des gains et si leur usage était que le métayer en reçoive un tiers – dans le cas où le planteur décide d’abandonner son travail après avoir réalisé des gains, le propriétaire du terrain étant obligé de lui assigner un fermier – le propriétaire du terrain engage un fermier, reçoit la moitié qui lui revient, n’étant lésé en rien, et le fermier reçoit un tiers, le sixième restant revenant au planteur puisque c’est lui qui a volontairement abandonné son emploi.
8. Celui qui a planté des arbres pour les habitants d’un pays et qui échoue dans ses plantations, celui qui remplit la fonction de boucher pour les habitants d’une ville et qui a abattu les animaux les rendant impropres à la consommation, celui qui blesse [son patient] en réalisant une saignée, le scribe qui s’est trompé dans la rédaction d’actes ou l’instituteur qui a fauté envers des enfants en ne les enseignant pas ou en leur enseignant des choses erronées, et dans tous les cas semblables à ceux-là où les artisans ne peuvent réparer la perte qu’ils ont causée, on peut les renvoyer sans préavis (hatraa) car ils sont susceptibles d’être renvoyés jusqu’à ce qu’ils s’efforcent d’accomplir [convenablement] leur ouvrage, étant donné que c’est le public qui les a établis en leur fonction.
Lois du louage : Chapitre Onze
1. C’est un commandement positif que de verser à son employé son salaire à temps, ainsi qu’il est dit : « Tu lui donneras son salaire le jour même etc. ». Et si l’employeur a retardé le paiement du salaire après son temps, il transgresse un commandement négatif, comme il est dit : « Le soleil ne se couchera pas sur ce dû » et on ne le flagellera pas, puisqu’il est obligé de régler ce qu’il doit. Qu’il s’agisse du salaire d’un employé, du loyer d’un animal ou encore d’objets, il doit régler le dû en son temps. Et s’il tarde à payer au-delà du délai [permis], il transgresse un commandement négatif ; quant à l’étranger résidant, il relève également du commandement : « Tu lui donneras son salaire le jour même », mais si l’employeur tarde à le rémunérer, il ne transgresse pas un commandement négatif.
2. Quiconque s’empare du salaire d’un employé lui a comme ravi son âme, ainsi qu’il est dit : “Vers cela [son salaire] il dirige son âme”. De surcroît, il a transgressé quatre mises en garde et un commandement positif : il transgresse : “Tu ne pressureras pas [ton prochain]”, “Tu ne [le] spolieras pas”, « Le salaire de ton employé ne passera pas la nuit jusqu’au matin chez toi », « Le soleil ne se couchera pas sur ce dû » et « Tu lui donneras son salaire le jour même ». Quel est le moment [du règlement du salaire] ? Un travailleur de jour doit être payé [durant] toute la nuit, et c’est à son propos qu’il est dit : « Tu lui donneras son salaire le jour même ». Celui qui est employé quelques heures du jour doit [avoir] encaissé son salaire tant qu’il fait jour et celui qui est employé quelques heures de la nuit, tant qu’il fait nuit. Si le contrat de celui qui a été employé pour une semaine, pour un mois, pour un an, pour sept ans, s’achève pendant le jour, il doit être payé le jour même, tant qu’il fait jour ; s’il s’achève pendant la nuit, la nuit même.
3. Si [quelqu’un] confie son vêtement à un artisan, que l’artisan achève [le travail requis] et qu’il le fait savoir [à son propriétaire], même si ce dernier retarde [le paiement du salaire] de dix jours, il n’est pas en contravention [avec la loi relative au délai de paiement] tant que l’objet se trouve entre les mains de l’artisan. Si [l’artisan] lui a rendu [l’objet] au milieu de la journée, le propriétaire sera en contravention avec l’interdiction de laisser reposer [le salaire de son employé] dès que le soleil se sera couché, car l’entrepreneuriat est semblable au salariat, et le [patron] doit payer [son employé] à temps.
4. Celui qui dit à son mandataire : « Va m’engager des ouvriers » et que ce dernier leur a dit : « C’est le patron qui vous paiera », aucun des deux ne transgresse l’interdiction : « Le salaire de ton employé ne passera pas la nuit... » ; le patron, parce qu’il ne les a pas engagés et le mandataire parce qu’ils ne travaillent pas pour lui. Mais s’il ne leur a pas dit : « C’est le patron qui vous paiera », le mandataire transgresse l’interdiction. D’autre part, le mandataire n’a transgressé l’interdiction que lorsque l’ouvrier lui a réclamé son dû et qu’il ne le lui a pas donné. Mais s’il ne lui a pas réclamé [son dû] ou s’il le lui a réclamé et que le mandataire n’avait pas de quoi le payer, ou qu’il a assigné son dû chez quelqu’un d’autre et qu’il l’en a reçu, le mandataire est quitte.
5. Celui qui laisse reposer le salaire d’un employé au-delà du temps [autorisé], bien qu’il ait déjà transgressé un commandement positif et un commandement négatif, a toujours l’obligation de le lui régler immédiatement ; tout le temps supplémentaire qu’il laisse reposer le salaire, il transgresse un commandement négatif biblique extra-pentateutique, ainsi qu’il est dit : « Ne dis pas à ton prochain : Va-t’en, tu reviendras ».
6. [Concernant] un employé qui a été engagé en présence de témoins, qui a réclamé son dû en son temps et auquel le patron a dit : « Je t’ai donné ton salaire » alors que lui-même affirme : « Je n’ai rien reçu », les Sages ont institué que l’employé prête serment sur un objet du culte et reçoit alors ce qu’il exige, comme dans le cas de toute personne qui jure et qui reçoit parce que le patron est harcelé par ses employés et que cet employé désire ardemment la somme d’argent. Même si l’employé est mineur, il doit jurer pour recevoir la somme exigée. Si l’employé n’a pas été engagé en présence de témoins, comme le patron aurait pu dire : « Il ne s’est jamais rien passé et je ne t’ai jamais engagé », il est digne de foi s’il dit : « Je t’ai engagé et je t’ai versé ton salaire ». Et le patron prêtera un serment d’incitation (s’il affirme avoir réglé le salaire de son employé, ou un serment de la Torah s’il a reconnu une partie des faits, comme dans tout cas de réclamation financière. Si [l’employé] a un témoin certifiant que [le patron] l’a bien engagé, cela ne l’aide en rien. De même, si l’employé a réclamé son dû après son temps, bien qu’il ait été engagé en présence de témoins, si l’employé devait recevoir son salaire de quelqu’un d’autre que son patron, c’est à lui qu’incombe la charge de la preuve ; si l’employé ne peut produire de preuve, le patron devra prêter un serment d’intimation. Si [au contraire] l’employé a prouvé qu’il a réclamé son dû en son temps, il doit jurer et recevra son salaire durant un intervalle de temps égal à celui de la réclamation. Comment cela ? S’il a travaillé pour son patron tout le lundi jusqu’au soir, son temps dure toute la nuit du mardi ; mais le mardi, dans la journée, il ne peut plus jurer pour recevoir la somme d’argent qu’il réclame. Mais s’il amène des témoins qui prouvent qu’il a fait sa réclamation durant la nuit du mardi, il peut encore jurer et recevoir la somme d’argent qu’il réclame toute la journée du mardi ; mais à partir de la nuit du mercredi, [s’il devait recevoir son salaire de quelqu’un d’autre que son patron,] c’est à lui qu’incombe la charge de la preuve. De même, s’il amène des témoins qui prouvent qu’il a continué à faire sa réclamation jusque durant la journée du jeudi, il peut [encore] jurer et recevoir [la somme d’argent qu’il réclame] tout le jeudi.
7. Dans le cas où le patron dirait : « J’ai amputé ton salaire de deux pièces » et l’employé : « Tu me l’as amputé de trois pièces », les Sages n’ont pas institué que l’employé prête serment ; [si l’on est dans le cas où il devait recevoir son salaire de quelqu’un d’autre que son patron,] c’est à lui qu’incombe la charge de la preuve ; s’il n’a pas trouvé de preuve, bien que son patron lui ait déjà donné deux pièces ou qu’il lui ait dit : « Voici pour toi », le patron doit prêter serment sur un objet du culte. Les Sages ont institué cela afin que l’employé ne soit pas déçu. De quel cas parlons-nous ? Du cas où le patron a engagé l’employé en présence de témoins, mais sans que ces derniers ne connaissent le montant de la rémunération, et où l’employé a réclamé son dû en son temps ; mais s’il ne l’a pas engagé en présence de témoins ou que l’employé n’a pas réclamé son dû en son temps, le patron prêtera un serment d’intimation en affirmant qu’il n’a amputé du versement qu’il a fait à son employé que la somme qu’il lui avait déjà versé auparavant, ou qu’il ne lui restait plus d’argent disponible ; toutefois, le cas où il a dit à son employé : « Voici pour toi » relève des mêmes règles que toutes les réclamations financières.
8. Si quelqu’un confie son vêtement à un artisan, que ce dernier lui dit : « Tu as amputé mon salaire de deux pièces » et qu’il lui réponde : « Je ne te l’ai amputé que d’une pièce », tant que le vêtement se trouve entre les mains de l’artisan, s’il peut affirmer qu’il se trouve entre les mains [du propriétaire], on lui fait prêter serment sur un objet du culte, il reçoit la somme qu’il réclamait, et il peut affirmer que le vêtement fait partie de son salaire jusqu’à hauteur de sa valeur. Et si le vêtement n’est plus entre les mains de l’artisan ou qu’il n’en a pas la possession légale et qu’il ne peut prétendre qu’il est entre les mains du propriétaire, c’est celui qui a pris l’objet de son prochain qui doit fournir la preuve nécessaire ; et s’il n’a pas apporté de preuve, le propriétaire du vêtement prêtera un serment d’intimation ou un serment de la Torah s’il a reconnu une partie des faits, comme dans les autres cas de réclamation financière, car ce cas ne relève pas de la législation de l’employé.
9. Lorsqu’un employé vient prêter serment, on ne doit pas le traiter avec rigueur, ni lui imposer quoi que ce soit de plus : il jure seulement qu’il n’a pas reçu son dû et le reçoit. Aucun de ceux qui doivent prêter serment ne sont traités avec souplesse, à l’exception de l’employé qui est traité avec souplesse et à qui l’on dit tout d’abord : « Ne sois pas angoissé, prête serment et reçois ton dû ». Même si son salaire ne s’élevait qu’à une perouta et que son patron dit : « Je la [lui] ai donnée », il ne recevra ce qu’il réclame qu’après avoir juré. Il en est ainsi pour quiconque prête serment et reçoit ce qu’il réclame : même s’il ne réclame qu’une perouta, il ne la recevra qu’après avoir prêté serment, comme dans le cas du serment de la Torah.
Lois du louage : Chapitre Douze
1. Si des ouvriers travaillent dans l’agriculture et que leur ouvrage n’est pas encore achevé, que l’objet de leur travail soit détaché du sol ou y soit attaché, si leur travail constitue l’achèvement de l’ouvrage, leur patron est tenu de les laisser manger de l’objet de leur travail, ainsi qu’il est dit : « Quand tu entreras dans la vigne de ton prochain etc. » ; et il est écrit : « Quand tu entreras dans les blés mûrs de ton prochain ». On a appris, d’après la tradition, que ce passage ne s’applique qu’à l’ouvrier rémunéré. Car si le patron ne l’avait pas engagé comme salarié, qui lui aurait permis de pénétrer dans la vigne de son prochain ou dans ses blés mûrs sans l’en avoir informé ? Mais voici ce qui est [véritablement] dit : « Si tu entres dans le domaine des propriétaires afin d’y travailler, tu peux manger ».
2. Quelle est la différence entre celui qui travaille sur un objet détaché du sol et celui qui travaille sur quelque chose qui lui est fixé ? Celui qui travaille sur quelque chose qui est détaché du sol a le droit d’en manger tant qu’il n’a pas achevé son ouvrage, mais une fois que ce dernier est achevé, il lui est interdit d’en manger. Celui qui travaille sur quelque chose qui est [encore] fixé au sol, par exemple le vendangeur ou le moissonneur, ne peut consommer de l’objet de son travail que lorsque ce dernier est achevé ; par exemple, il vendangera, remplira un panier, en videra les raisins à un autre endroit, reviendra, remplira à nouveau le panier et ne mangera pas avant que le panier ne soit rempli. Mais lorsqu’il s’agit de restituer un objet perdu, les Sages ont dit que les ouvriers pourraient manger en chemin d’une rangée à une autre ainsi que durant leur retour du pressoir, afin qu’ils ne délaissent pas leur ouvrage pour s’asseoir manger, mais [ils peuvent] manger durant leur travail et alors qu’ils cheminent [afin de ne pas rester] inactifs.
3. Celui qui interrompt son travail pour manger ou qui mange alors que son travail n’est pas achevé, transgresse un commandement négatif, ainsi qu’il est dit : « Tu ne porteras pas la faucille etc. ». On a appris, d’après la tradition, que tant que l’ouvrier est occupé à la moisson, il ne doit pas « porter la faucille » afin de se nourrir ; [il en est] de même pour tous les autres cas semblables. De même, un ouvrier qui se sert de ce qu’il a fait ou qui en prend plus qu’il ne peut en manger pour en donner à d’autres, transgresse un commandement négatif, ainsi qu’il est dit : « Tu n’en mettras pas dans ton panier ». Mais celui qui transgresse ces deux commandements négatifs n’est pas passible de châtiment corporel puisque s’il a mangé ou s’est servi, il devra rembourser.
4. Le trayeur, celui qui fait le barattage de la crème et celui qui fait le fromage ne mangent pas, puisque l’objet de leur travail n’est pas un produit agricole. Celui qui sarcle les plants d’oignons et d’ail, bien qu’il s’agisse de petits légumes cueillis parmi les grands, et de même pour tous les cas semblables, n’en mangera pas, puisque son travail ne constitue pas l’achèvement de l’ouvrage. Et il est inutile de préciser que les gardiens de jardins, de vergers ainsi que de tous les plants de végétaux comme les champs de concombres et les champs de courges, n’ont pas du tout le droit de manger [de l’objet de leur travail].
5. Celui qui sépare des dattes ou des figues sèches ne mange pas, puisque le travail dont elles sont l’objet est achevé du point de vue de la dîme. Celui qui travaille le froment ou d’autres végétaux semblables après que la dîme eût été prélevée – par exemple si le patron a engagé des ouvriers pour trier des gerbes, pour les épurer ou pour les moudre, ces derniers [peuvent] manger puisque leur ouvrage n’est pas encore achevé du point de vue du prélèvement sur la pâte. Mais celui qui pétrit, celui qui étale la pâte, et celui qui fait cuire le pain ne peuvent manger, parce que leur ouvrage est achevé au regard du prélèvement sur la pâte, or l’ouvrier ne peut manger que lorsque son travail n’est pas achevé du point de vue de la dîme et du prélèvement sur la pâte.
6. Si les gâteaux [de figues du patron] se sont défaits ou que ses tonneaux [de vin] se sont ouverts et qu’il a engagé des ouvriers pour les réparer, ils ne consommeront pas de ces produits. En effet, s’agissant de produits dont le traitement est achevé et devant être soumis à la dîme, ils ont le statut de tevel. Et s’il ne les en avait pas informés auparavant, il devra prélever la dîme de ces produits avant de les laisser en manger. Les ouvriers n’ont pas le droit de consommer de produits consacrés, ainsi qu’il est dit : « Dans la vigne de ton prochain ».
7. S’il a employé des ouvriers pour travailler sur ses plants de la « quatrième année », ils ne mangeront pas [de leurs fruits]. Et s’il ne les en avait pas informés auparavant, il devra les racheter avant de leur en donner à manger.
8. Le moissonneur, le batteur, le vanneur, celui qui trie le grain, le cueilleur [d’olives], le vendangeur, celui qui foule le raisin et tous les ouvriers accomplissant de semblables tâches, mangent de l’objet de leur travail, selon la Torah.
9. Ceux qui assurent la garde de pressoirs [à raisin], de récoltes ainsi que de toute chose détachée du sol dont le traitement n’est pas achevé au regard de la dîme, peuvent manger de l’objet de leur travail de par les lois du pays, car le gardien n’est pas semblable à l’ouvrier actif. Mais s’il a fourni un travail corporel, que ce soit de ses mains, de ses pieds ou même de ses épaules, il a le droit de manger de l’objet de son travail, selon la Torah.
10. S’il s’occupait de figues, il ne mangera pas de raisin ; s’il s’occupait de raisin, il ne mangera pas de figues, ainsi qu’il est dit : « Dans la vigne de ton prochain, tu pourras manger des raisins ». Et celui qui travaille dans cette vigne-ci ne mangera pas des raisins d’une autre vigne. Et il ne mangera pas des raisins avec autre chose. De même, il n’en mangera ni avec du pain, ni avec du sel. Mais si [l’ouvrier] a fixé [auparavant] avec le patron la quantité de ce qu’il pouvait manger, il a le droit de l’accompagner de pain, de sel ou de tout ce qu’il voudra. Il est interdit à l’ouvrier de sucer les raisins puisqu’il est écrit : « Tu pourras manger des raisins ». D’autre part, sa femme et ses enfants n’ont pas le droit de roussir pour lui les épis, ainsi qu’il est dit : « Tu pourras manger des raisins suivant ton appétit », des raisins tels qu’ils sont, et de même pour tous les cas semblables.
11. Il est interdit à l’ouvrier de manger de l’objet de son travail plus qu’à satiété, ainsi qu’il est dit : « Suivant ton appétit, jusqu’à t’en rassasier ». En revanche, il lui est permis de s’abstenir de manger jusqu’à ce qu’il parvienne aux plus beaux plants pour en manger [à satiété]. Et il peut manger des courges jusqu’à hauteur d’un dinar et des dattes jusqu’à hauteur d’un dinar même si son salaire n’est que d’une pièce d’argent, ainsi qu’il est dit : « Suivant ton appétit, jusqu’à t’en rassasier » ; néanmoins, on éduque l’homme afin qu’il ne soit pas glouton et le patron doit fermer la porte devant son ouvrier.
12. Si un ouvrier garde quatre ou cinq récoltes [appartenant chacune à des personnes différentes], il lui est interdit de se remplir le ventre des fruits d’une seule d’entre elles ; mais, il doit manger de chacune, proportionnellement. Les ouvriers qui n’ont pas marché en long et en large sur le pressoir peuvent manger des raisins, mais ne peuvent boire de vin, car leur travail n’a encore pour seul objet que le raisin. Mais à partir du moment où ils ont marché sur le pressoir et qu’ils l’ont traversé en long et en large, ils peuvent manger du raisin et boire du moût, car leur travail est relatif tant au raisin qu’au vin.
13. L’ouvrier qui a dit : « Donnez à ma femme et à mes enfants ce que je mange » ou qui a dit : « Je vais donner un peu de ce que je n’ai pas mangé à ma femme et à mes enfants », on ne l’écoute pas, car la Torah n’a accordé le droit [de manger de l’objet de son travail] qu’à l’ouvrier lui-même. Même un Naziréen qui travaillerait dans les vignes et dirait : « Donnez à ma femme et à mes enfants... », on ne l’écouterait pas.
14. Si un ouvrier qui travaille avec sa femme, ses enfants et ses esclaves a convenu avec leur patron que ni lui ni ces derniers ne mangeraient de l’objet de leur travail, seuls ces derniers n’en mangeront pas. De quel cas s’agit-il ? [Il s’agit du cas où] tous sont adultes, parce qu’ils sont en pleine possession de leurs moyens intellectuels et que c’est volontairement qu’ils se sont désistés ; mais s’il s’agit de mineurs, il ne peut leur imposer de ne pas manger, puisqu’ils ne mangent ni de ce qui est à leur père, ni de ce qui est à leur maître, mais de ce qui appartient aux Cieux.